Parfums d’hiver

Quand on vous parle parfum, vos sens évoquent la rose ou la pivoine, stars du printemps et de l’été. Or, de manière surprenante, certaines plantes qui fleurissent en hiver sont parmi les plus parfumées de toutes les plantes de jardin. Leurs fleurs sont le plus souvent petites, insignifiantes même, mais leurs fragrances volatiles peuvent se répandre à des dizaines de mètres à la ronde. Lors d’une promenade hivernale, on s’arrête, interdit, en se demandant d’où peut bien provenir une senteur aussi délicieuse. Quelle est l’explication de ce phénomène merveilleux? En hiver, la concurrence est rude: les insectes pollinisateurs sont rares et pour les attirer, il faut mettre les grands moyens. De plus, pour maximiser les chances de pollinisation, la floraison est généralement longue ou répétée entre les périodes de gel.

Voici quelques parfumeurs de choix.

Prunus mume

Mon grand favori figure cependant rarement dans le top dix des arbres et arbustes qui fleurissent en hiver. C’est dommage, car cet abricotier du Japon commence à fleurir dès fin janvier, ouvrant ses petits boutons ronds progressivement les jours cléments. Le jardin peut encore être bien nu quand Prunus mume est en pleine fleur et répand dans l’air environnant un parfum suave. Ce petit arbre ressemble à ses cousins les cerisiers du Japon mais les devance nettement. Il en existe à fleurs blanches (rares), rose foncé (le très beau ‘Beni-chidori’), rose (comme ici la sélection pleureuse ‘Pendula’) ou rose pâle (ici la sélection à fleurs doubles Omoi-no-mama’). Je ne m’attarde pas davantage, ces petits arbres méritant un billet à eux seuls.

Une seule branche dans un vase suffit à parfumer la maison.

Hamamelis

Les hamamélis sont parfaitement adaptés à la floraison d’hiver, avec leurs pétales en étroites lanières. Leur parfum délicat est éminemment volatil et se répand sur la brise. La plante ménage toutefois ses effets et ne parfume que lorsque les conditions lui paraissent favorables. Retrouvez plus de détails sur ces beautés d’hiver dans l’article du 21 janvier 2022.

‘Aphrodite’ est une sélection cuivrée très florifère.

Lonicera fragrantissima

On l’appelle chèvrefeuille d’hiver, mais je préfère l’adjectif fragrantissime, qui le décrit si bien. Ce chèvrefeuille forme un arbuste assez laxe qui se couvre de petites fleurs blanches dès fin janvier. Elles compensent largement leur modestie par leur parfum fabuleux. Les premiers bourdons se précipitent et s’affolent dans leurs longues étamines chargées de pollen.

Plus rare, Lonicera standishii ‘Budapest’, aux fleurs légèrement rosées, est un autre chèvrefeuille d’hiver très parfumé.

Chimonanthus praecox

Apparaissant aussi sur le bois nu, les jupettes translucides jaune pâle ou plus soutenu du Chimonanthus dégagent aussi une odeur délicieuse. Le nom français de chimonanthe ne vous aide pas, mais l’étymologie est explicite. Le nom provient des mots grecs keimôn (l’hiver) et anthos (la fleur). L’arbuste en lui-même, atteignant 4 m, n’offre pas un grand intérêt ornemental. Je le réserverais aux grands jardins tout en le plaçant sur un passage où l’on peut mettre le nez dessus.

Edgeworthia chrysantha

Voici un arbuste très étrange, qui produit de curieuses fleurs or délicatement parfumées, protégées par des tubes poilus, au bout de tiges rondes comme des doigts. Abraham Rammeloo, conservateur de l’Arboretum de Kalmthout, m’explique que la plante est trichotome, les branches se divisant en 3 à chaque nouvelle pousse. Ceci lui donne une allure de chandelier. Originaire de Chine, l’arbuste bénéficiera d’un endroit protégé. A essayer pour les jardiniers collectionneurs.

Mahonia japonica

Pour une senteur de muguet dès janvier, rien ne vaut les petites clochettes couleur poussin de Mahonia japonica. Beaucoup de beaux mahonias auront fini leur floraison (retrouvez le billet du 25/11/2022), mais celui-ci, de même que Mahonia aquifolium, fleurissent de janvier à mars. Si votre arbuste nécessite une petite taille, vous pouvez prélever une rosace entière, feuilles comprises, pour embaumer la maison. Dans le cas contraire, quelques brindilles dans de mini vases vous permettent de profiter de ce plaisir sans sortir dans le froid.

Viburnum bodnantense ‘Dawn’

Il n’y a pas que du jaune dans les fleurs d’hiver. Cette viorne très parfumée est d’un joli rose frais. L’espèce, nommée pour le jardin de Bodnant au Pays de Galles, fleurit sur le mode stop/encore, depuis avant Noël. Dès qu’il ne gèle pas, de nouvelles fleurs s’ouvrent. Nous avons affaire ici à une plante assez commune, mais qui a des mérites dans une grande haie mélangée par exemple. Le port de ce grand buisson est plutôt raide. Une taille assez sévère après la floraison suscitera de belles branches droites pour la prochaine saison.

Sarcococca

Voici de petits arbustes persistants au parfum suave, produit par de petites fleurs hivernales blanches groupées sous les feuilles. Peu courant jusqu’à récemment, les Sarcococca se sont heureusement largement popularisés comme alternative aux buis. À juste titre d’ailleurs, car ils ne semblent pas avoir de maladies ni d’ennemis, poussent à l’ombre, supportent le froid et la sécheresse, fleurissent longtemps et produisent de jolies baies sur des rameaux gracieux. Que peut-on demander de mieux? Diverses sélections récentes sont apparues sur le marché, notamment à fleurs roses. Les espèces classiques sont S. confusa et S. hookeriana var. humilis.

Daphne odora

Persistant lui aussi, le charmant bois joli odorant répand son parfum suave à la ronde. Cet arbuste très net et compact supporte plus ou moins les mêmes conditions de mi-ombre mais à une préférence pour un sol acide et bien humifère. Vous voyez ici le cultivar ‘Cameo’. ‘Aureomarginata’ a un fin liseré jaune au bord des feuilles. Fleurissant de janvier à mars, cette plante charmante vous fera patienter jusqu’à la floraison des camélias et des azalées.

Introduire dans son jardin quelques floraisons hivernales incite à la promenade pour humer leurs parfums subtils et aspirer à plein nez la promesse du printemps.

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