La rhubarbe, un légume devenu dessert

Les enfants qui font la grimace en suçant une tige de rhubarbe fraîchement cueillie au jardin doit sûrement faire partie de la liste des choses qui font la mélodie du bonheur …

La rhubarbe est un classique de tous le vieux jardins et pour cause: une souche peut survivre 20 ans au même endroit. Elle se lignifie et devient dure comme du bois. Avec ses belles grandes feuilles, la plante est très décorative et peut avoir sa place dans n’importe quel jardin. L’inflorescence est même assez spectaculaire. Pour prolonger la production de feuilles on a tout intérêt à supprimer les fleurs mais parfois elle m’échappent et je ne m’en lamente pas.

La rhubarbe a besoin d’un emplacement ensoleillé et d’une bonne terre retenant l’humidité. Dans mon potager j’ai planté en alternance des pivoines et de la rhubarbe.

Après avoir été en dormance l’hiver, la souche qui a besoin d’une période froide, va pousser dès les premiers beaux jours. Traditionnellement, dans la hâte de cueillir un premier ingrédient pour de bons desserts en fin d’hiver, on essaie d’accélérer ce processus. Pour ce faire on utilise des pots de forçage, gros pots en terre cuite, bien lourds et munis d’une large ouverture. Profitant de la chaleur, les tiges vont pousser à l’intérieur du pot et seront prêtes à récolter quand elles émergent.

Les pots de forçage sont de très beaux objets difficilement trouvables dans le commerce. Ceux-ci proviennent d’un brocanteur dans le sud de l’Angleterre. Outre-Manche il existe encore quelques potiers qui produisent ces forcing pots (http://www.littlethorpepotteries.co.uk/ par exemple), mais les importations sont devenues très difficiles. Parfois les pots sont vendus avec un couvercle ce qui permet de les utiliser également pour forcer le chou marin (qui fera l’objet d’un prochain billet). Pour la rhubarbe il vaut mieux laisser le pot ouvert.

Quand les feuilles se pointent hors de l’orifice, hop, on soulève délicatement le pot. De belles longues tiges rouge rose apparaissent, prêtes à cueillir. Le fait de s’être développées à l’abri de la lumière les a rendues moins vertes mais surtout beaucoup plus tendres et moins acides. Cette production abondante est un effort pour la plante et on recommande de ne pas forcer la même plante chaque année. La cueillette se fait en arrachant doucement chaque tige à la base. On peut prélever environ un tiers des tiges, que l’on appelle aussi pétioles. On laisse ensuite sa rhubarbe se développer normalement à la lumière tout en continuant la récolte plus tard dans la saison. Il faut couper la feuille, qui est toxique. On peut la laisser sur le sol et avec un peu de chance on pourra y ramasser quelques limaces le lendemain.

Pour les botanistes, la plante est un Rheum, hybride de différentes espèces dont Rheum rhabarbarum. Il existe d’ailleurs différents Rheum qui sont de belles plantes ornementales. Le genre est originaire de Chine et de Russie et la racine était utilisée à des fins médicinales. Elle arriva en Europe par la route de la soie vers le 14ème siècle comme ingrédient très coûteux pour les officines de pharmacie. Ce n’est qu’à la fin du 18ème siècle que les premières plantes furent introduites au jardin botanique d’Edimbourg, puis diffusées en Angleterre.

La rhubarbe ne devint populaire que le jour où le sucre devint moins coûteux et plus largement disponible. Il faut admettre qu’il en faut beaucoup pour compenser l’acidité de ces tiges!

Si vous n’en possédez pas encore, vous pouvez acheter de jeunes plants en jardinerie. Des variétés nouvelles ont été sélectionnées pour leur douceur et la belle couleur des tiges. Beaucoup ont des noms qui évoquent le rouge comme ‘Red Champagne’ ou ‘Raspberry Red’. Si vous ou vos voisins possédez déjà des vieilles souches, vous pouvez les diviser pour obtenir de nouveaux plants. Il faudra porter un coup de bêche bien franc pour trancher la souche et détacher un éclat. Ces plantules nécessiteront au moins deux ans avant d’être productives. La division permet de relancer les vieilles souches devenues moins productives.

Côté cuisine, la rhubarbe entre dans de multiples préparations: jus, compotes, confitures, tartes. Généralement on pèle les pétioles pour plus de douceur. La rhubarbe est réputée laxative, assurant une saine purge de printemps. Elle contient effectivement une quantité de fibres. Elle présente d’autres atouts santé moins connus, réduisant par exemple le mauvais cholestérol, apportant de la vitamine C et étant plus riche en calcium que le lait. Par contre, on s’en doute, ce légume est très acide, et ne convient pas pour les personnes souffrant de calculs rénaux. La feuille, contenant notamment une grande quantité d’acide oxalique, est quant à elle tout à fait toxique, de même que la fleur. En résumé, un peu de rhubarbe au printemps vous fera grand bien sauf que … on y ajoute inévitablement des cuillères entières de sucre. Comment résister à une tarte tatin à la rhubarbe, au crumble rhubarbe/fraise, ou au dessert éminemment british qu’est le rhubarb fool, tiges au sirop et à la crème fraîche?

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