La passion des passiflores
Quoi de plus exotique et sensuel qu’un jus ou mieux encore qu’un sorbet aux fruits de la passion pour rafraîchir une soirée d’été? Grosse désillusion: la passion à laquelle le nom de la passiflore et de son fruit se réfère n’est pas la passion charnelle, mais bien le martyre du Christ en croix! C’est un missionnaire mexicain, le père Emmanuel de Villegas, qui aurait ramené un dessin de la plante à Rome en 1610. Un ecclésiastique, qui travaillait à un ouvrage sur la passion du Christ, y vit aussitôt une signification mystique. A la fin du siècle, un botaniste anglais inspiré par cette symbolique créa le nom de Passiflora, que Linné confirma dans sa nomenclature.
Certains y voient d’autres correspondances encore: la colonne qui porte les parties reproductives de la fleur évoquerait la colonne de la flagellation, 5 pétales + 5 sépales égalent les 10 apôtres fidèles, la feuille fait une bonne lance et les vrilles un bon fouet. Bref, la fleur propose une panoplie de torture complète.
Voilà votre cocktail gâché!
Passons vite au jardin où les passiflores font merveille si votre climat est assez doux pour les cultiver.
Cette dernière espèce a un magnifique feuillage profondément lobé. A la base de chaque feuille se trouve une vrille qui permet à la plante de s’agripper à tout, même à une petite fissure dans la pierre. Ceci est très commode, car moyennant l’installation de quelques fils ou d’un treillis de départ, il ne sera plus nécessaire d’attacher la plante qui grimpera toute seule. Dans les forêts tropicales, elle s’élance dans les arbres et peut atteindre 25 m de haut.
Dans l’espèce Passiflora caerulea, qui est la plus répandue et la plus fiable, il n’y a pas un grand choix de couleurs. ‘Purple Passion’ est bien violet, ‘Constance Eliott’ est une très belle variante blanche, et ‘Amethyst Lavender Lady’ est une excellente sélection rose violacé.
Pour cultiver les vraies merveilles du genre, il faut un jardin complètement à l’abri du gel ou une serre. Toutefois, comme ces plantes poussent très vite, on peut les traiter en annuelles. Une des plus fascinantes est Passiflora alata, nommée pour ses tiges à section carrée ailées. Avec ses fleurs pendantes rouge vin et ses filaments striés pourpre et blanc, elle fait penser à une méduse. Un cultivar acheté avec une étiquette approximative m’enchante par ses filaments bouclés violet vif. Ce pourrait être Passiflora incarnata.
Je conseillerais de tenter de cultiver au moins une passiflore, ne fût-ce que pour faire admirer une de ses fleurs étonnantes et avoir une belle histoire à raconter.