La grande évasion des lantaniers
Voici quelques exemples des fleurs joyeuses et pimentées des lantaniers. (Je pense toujours ‘lanterne’ pour retenir leur nom tant elles sont lumineuses.) Leur floraison est prodigieuse, quasiment ininterrompue de mai à novembre. C’est une des merveilles de l’été sur le pourtour méditerranéen; une merveille très frileuse hélas, qui ne survit pas en dessous de -5°C. En dehors de cette zone, elle n’est envisageable qu’en annuelle ou en pot avec un hivernage en serre.
Lantana camara est en effet une tropicale, venue des Caraïbes et d’Amérique centrale. Elle fait partie de la famille des verbénacées et on voit clairement la similitude entre ses capitules de petites fleurs en trompette et celles des verveines. (Pas la verveine citronnée que vous buvez en tisane, qui n’est pas une verveine du tout mais un arbuste d’un tout autre genre: Aloysia citriodora.) Les feuilles sont opposées, dentelées et assez rugueuses. Les capitules présentent souvent des fleurs de plusieurs couleurs, rouge et orange, blanc et jaune, rose et jaune par exemple. Cette différence serait un signal que la fleur a été fécondée, indiquant aux pollinisateurs qu’ils peuvent passer leur chemin.
Ces corolles lumineuses attirent les pollinisateurs comme des phares et offrent un abondant nectar en récompense. Le seul problème est qu’il faut pouvoir l’aspirer avec une longue paille! Dans leur habitat américain, ce sont souvent des colibris qui font du surplace autour des lantanas, un spectacle éblouissant dont la capture ne provient évidemment pas de mon jardin mais de Wikimedia… Dans le sud de l’Italie, il y a malgré tout un ballet permanent autour des fleurs, entre papillons, dont le papillon colibri, abeilles et bourdons divers.
Après les fleurs viennent les fruits, de belles petites baies noires et rondes aux reflets métallisés. Le oiseaux en raffolent et cela ne leur fait aucun tort. En revanche, ces fruits sont excessivement toxiques pour les mammifères. J’en viens de la sorte au côté noir de cette plante lumineuse…
Séduits par leur beauté, ce sont des explorateurs hollandais qui ramenèrent cette espèce des Caraïbes en Europe, où elle fut rapidement introduite comme plante ornementale dans les jardins. De là, les Portugais l’introduisirent à Goa notamment, et les britanniques dans le reste de l’Inde, en Australie et en Océanie. Ce fut une erreur dont nul ne pouvait imaginer les conséquences. L’espèce s’évada bien vite des jardins coloniaux. Lantana camara se répand par marcottes, formant rapidement des broussailles épineuses inextricables, et est répandu au loin par les excréments des oiseaux qui en dévorent les baies. Adaptée à des températures très élevées, à l’humidité comme à la sécheresse, la plante envahit bientôt les bords de route, les champs et les forêts, supplantant la flore indigène, envahissant les champs et réduisant la nourriture disponible pour les herbivores sauvages. Elle est mortelle pour le bétail. On peut lire quantité d’articles alarmistes concernant le Sri Lanka, l’Australie et l’Inde. 40 % de l’habitat du tigre serait par exemple envahi par le lantanier. L’éradication par brûlis ou arrachage est ardu et coûteux. Voici clairement un cas où une plante s’est servie de l’homme pour ses ambitions de conquête!
Voici d’autres idées d’utilisation; ce ne doit pas toujours être des géraniums au balcon!
Les Lantana camara les plus courants forment de gros arbustes que l’on peut maintenir compacts en les taillant résolument en fin d’hiver . On peut même planter différentes couleurs ensemble.
Les tiges munies d’épines comme une ronce permettent aux lantaniers de se s’agripper à d’autres plantes dans lesquelles elles s’enfilent. C’est une de leurs stratégies de conquête. De la sorte, moyennant un support, on peut les utiliser comme plantes grimpantes. Ici un arbuste à fleurs roses à rapidement couvert un vieil olivier mort.
Si l’arbuste type peut atteindre 2 mètres, on produit maintenant des petits plants très compacts qui se vendent comme annuelles pour les jardinières. Vu leur leur floraison et leur résistance au manque d’eau, c’est un bon choix.
Une espèce cousine, également très utilisée dans les jardins, est Lantana montevidensis (de Montevideo), originaire d’Amérique du Sud. On la trouve souvent sous le synonyme Lantana sellowiana. Il s’agit d’une rampante, très jolie pour retomber d’un pot, s’enfiler parmi les plantes d’un parterre ou réaliser une bordure comme ci-dessus. Avec un peu d’aide on peut la faire grimper sur un support. Les rameaux longs et souples portent un peu moins de fleurs que la première espèce. Ce lantanier ci introduit une autre gamme de couleurs dans les mauves. Il en existe aussi une sélection toute blanche. Les fleurs n’ont cependant pas l’effet bicolore des Lantana camara.
Tout comme les autres lantaniers, cette espèce a été introduite avec un succès dépassant les espérances sur d’autres continents. Une beauté devenue peste envahissante!