La canicule: les survivants
Voici une consolation face à la dévastation d’une sécheresse historique: certains arbres et arbustes parviennent à survivre et même à fleurir dans ces conditions. Apprenons à mieux les connaître et à les apprécier; nous en aurons bien besoin!
Un coin d’Italie? Pas du tout: un coin de mon jardin flamand (la brique et les tuiles rouges en attestent), plein sud, plein soleil, zéro arrosage. Une photo prise le 29 août 2022. C’est paradoxalement le coin le plus chaud du jardin qui a le mieux résisté après le mois d’août le plus chaud et le plus sec jamais enregistré en Belgique, justement parce qu’il a été planté avec des végétaux dits gélifs. Cette conception préfigure peut-être l’avenir de nos jardins…
Dans ce coin abrité par des bâtiments et des murs, j’ai planté il y a 20 ans un petit exemplaire à 3 troncs du palmier Trachycarpus fortunei, le seul soi-disant capable de résister à nos hivers. Son exploit aujourd’hui est plutôt de résister à l’été!
De gauche à droite:
Ceanothus ‘Snow Flurry’, à fleurs blanches. La croissance de ce arbuste en deux ans est sidérante.
Choisya ternata ‘Sundance’, un oranger du Mexique à feuille or, d’autant plus beau que je l’avais fortement taillé au printemps.
Trachycarpus fortunei, un palmier originaire de Chine où il peut pousser à haute altitude, ce qui explique sa rusticité.
Hylotelephium (Sedum) ‘José Aubergine’, une vivace très résistante.
Jasminum officinale ‘Fiona Sunrise’, une très belle sélection à feuille dorée du jasmin officinal, à fleurs blanches et parfumées.
Dans les jardins de banlieue qui m’entourent, j’ai pu constater que d’autres arbres, jusqu’à peu considérés comme très exotiques, se portent à merveille et sont du plus bel effet. Le chêne vert, Quercus ilex, est originaire de la Méditerranée et réputé gélif. Pourtant, sa zone ne fait que s’étendre et son utilisation se popularise. Il a l’avantage d’être persistant et de se tailler très facilement. Les chênes en général n’ont pas trop mal résisté au stress hydrique malgré des cassures de branches.
Albizia julibrissin est au sommet de sa gloire en fin d’été avec ses bouquets d’étamines roses. Tout dans l’aspect de ce petit arbre gracieux est exotique.
Comme je suis un peu jalouse de mes voisins, ces deux espèces sont sur la liste de mes futures plantations …
Les magnolias à feuilles persistantes sont dans leur élément cet été. Magnolia grandiflora et Magnolia virginiana peuvent devenir de grands arbres splendides mais nécessitent malgré tout un emplacement à l’abri des vents froids. Virginiana en particulier (photo), est très tolérant à la sécheresse. Ce qui est plus étonnant, c’est que même les magnolias à feuilles caduques semblent avoir très bien résisté. La floraison printanière ne sera sans doute pas compromise.
Beaucoup d’arbres, à condition qu’ils soient déjà bien établis, ont des racines profondes et résistent: les pins, les cèdres, les tilleuls, les robinias, les chataigniers, les érables, les bouleaux, les liquidambar ... D’autres meurent sur pied sans raison apparente. Les hêtres, déjà affaiblis par des stress répétés les années précédentes, ont souvent succombé à ce dernier coup de grâce.
Parmi les arbustes à beaux feuillages on peut se réjouir de voir que beaucoup n’ont pas réclamé l’arrosoir:
Laurus nobilis, le laurier de cuisine, prospère au chaud.
Choisya ternata ‘Goldfingers’ est un autre oranger du Mexique doré, au feuillage plus finement découpé.
Le figuier du potager n’a jamais été aussi heureux et est couvert de fruits.
Tous les Euonymus japonicus au feuillage persistant sont en forme. Ici le grand arbuste formé par Euonymus ‘Président Gauthier’, panaché de blanc.
Les houx, habitués à pousser à l’ombre sous les arbres, ne sont jamais les premiers servis en eau et donc bien adaptés. Ilex x altaclerensis ‘Golden King’ se distingue par des feuilles rondes sans épines, bordées de jaune.
Elaeagnus ebbingei ‘Limelight’ forme un grand arbuste à feuilles au centre jaune.
Les Hebe forment de petits buissons compacts à petites feuilles, ne nécessitant pas de taille. Certaines espèces produisent de jolis épis de fleurs en cette saison.
Même le sureau, dont cette sélection pourpre, Sambucus nigra ‘Black Lace’, donnent satisfaction.
Alors que beaucoup de vivaces n’ont fleuri que quelques jours avant de griller sur pied, certains arbustes à fleurs semblent ravis de ces conditions méditerranéennes. Vous pouvez trouver une description plus détaillée de certains dans le billet d’août 2020 Le Blues du milieu de l’été https://www.tuyauxdejardin.com/blog/rfguzyf2i74yvuw3dll5bkna6w3zz8
Vitex agnus-castus ‘Latifolia’, le poivrier des moines, se croit en Grèce et régale les abeilles, passablement affamées en cette fin d’été sans fleurs.
Le petit buisson argenté à fleurs de liseron (c’en est un d’ailleurs, mais un gentil), Convolvulus cneorum, est un de mes grands favoris. Je compte en planter nettement plus.
Le Ceanothus ‘Gloire de Versailles’ fleurit en fin d’été. Ravis par la chaleur, certains céanothes de printemps se risquent à une petite seconde floraison.
Les Caryopteris à feuilles argentées et belle floraison bleue sont aussi de bonnes ressources en nectar.
Tous les Hibiscus syriacus seront maintenant en fleur et très tolérants à la sécheresse.
Le petit Ceratostigma willmottianum, parent du Plumbago, fleurit à l’ombre sèche.
D’autres petits arbustes à fleurs et sobres sont les Perovskia et les Hypericum par exemple.
De nombreuses roses à l’origine de nos roses de jardin sont des plantes de montagne et la sécheresse estivale leur convient. Voilà donc au moins une consolation: pas de maladies, pas de traitements.
La mise en garde de cet été est sévère: nous allons devoir nous adapter et adapter nos jardins. Le jardin anglais avec ses parterres fleuris qui a été notre modèle pendant si longtemps n’est plus une option: même les anglais n’ont plus de pelouse, plus de delphiniums ni de pois de senteur…
Le paradoxe est que les parties les plus chaudes du jardin, plantées généralement avec les plantes méridionales les plus délicates, ont le mieux résisté. Nous voilà donc face à un choix cornélien: parier sur les plantes du sud et risquer qu’elles ne succombent à un gel rigoureux (la probabilité diminue) ou s’en tenir à nos plantes de zones tempérées et risquer leur mort par manque d’eau et coup de chaleur (la probabilité augmente). Ce sont là les aléas de nos climats!