La canicule: les victimes

Les jardins de climats tempérés ne sont pas du tout armés pour affronter les sécheresses prolongées, les vents soufflant comme un sèche-cheveux et les périodes de canicule à répétition. C’est ce que l’été 2022 leur a infligé. Encore peut-on s’estimer heureux que tout le couvert végétal ne soit pas parti en fumée. Voici un constat partiel des dégâts. Une collection de photos désolantes pour changer…

Dans les arbres, la situation peut être très différente selon leur emplacement, dans un bois ou isolés, exposés au vent, sur une côte ou dans un fonds. La nature du sol est bien entendu primordiale: les sols sablonneux ne retiennent aucune humidité alors que les sols argileux se compactent mais sont quand même plus favorables. Ce tulipier, planté dans la pelouse (du moins c’était une pelouse…) manque probablement de l’humus qu’il aurait eu dans le bois. La plupart des feuilles sont tombées ou desséchées sur les branches. Quelques rares petites feuilles assurent encore la photosynthèse.

Ce qui est certain, c’est que cet arbre n’offrira pas son spectacle automnal habituel, quand tout le feuillage devrait virer à l’or. C’est la deuxième fois en trois ans que ce tulipier est en souffrance. Survivra-t-il?

Certains arbres réagissent au stress en entrant dans une phase automnale anticipée, notamment par la coloration précoce des feuilles. Elles tombent aussi avant terme. C’est le cas de ce Nyssa sinensis, dont la moitié des feuilles sont déjà jaunes.

La sécheresse est un des stress environnementaux les plus graves qui puisse affecter les plantes. N’oublions pas que plus de 80 % de leur biomasse est constituée d’eau. Un déficit hydrique incite la plante à fermer les stomates des feuilles, réduisant la transpiration. Ceci ralentit tout le mécanisme de la photosynthèse et l’absorption de minéraux remontant du sol avec l’eau. La croissance s’arrête.

Stewartia Monadelpha chez Yukiko

La situation est particulièrement préoccupante pour de nouvelles plantations dont les racines n’ont pas encore pu descendre profondément dans le sol et dont les radicelles ont été coupées pour la transplantation.

Il est inquiétant de constater combien il devient difficile de faire démarrer de nouveaux sujets, même en les arrosant.

Certaines espèces réagissent par une fructification surabondante et trop précoce, comme elles voulaient d’urgence se reproduire avant de mourir. C’est par exemple le cas de certains chênes, qui par ailleurs semblent résister relativement bien à la carence hydrique. Il peut y avoir une glandaison massive où de tous petits glands immatures tombent de l’arbre dès le mois d’août. Parfois le poids contribue à casser des branches où la sève ne coule quasiment plus. Pour les animaux et les oiseaux dont ce sont les provisions avant l’hiver, ce décalage peut poser d’importants problèmes.

Parmi les fruitiers, la situation est très variable. Certains, comme ce petit pommier ornemental, s’épuisent dans une production excessive de fruits. Les branches cassent sous leur poids. Parmi les cerisiers du Japon, les uns semblent résister relativement bien alors que d’autres, comme ce Prunus incisa, sont complètement brûlés par la sécheresse et le soleil. Ce n’est qu’au printemps prochain que l’on pourra constater les vrais dégâts quand on verra quels sont les arbres qui ne repartent pas. Si beaucoup peuvent survivre à un stress occasionnel, beaucoup succombent quand ces conditions extrèmes se répètent.

Le malheur est que les dégâts peuvent avoir des répercussions à long terme. Il faut d’abord du temps pour que les mécanismes naturels reprennent. Un orage n’y changera rien. Ensuite, l’affaiblissement général de la plante augmente sa susceptibilité aux maladies, aux champignons et aux attaques d’insectes. Le cas des scolytes (un coléoptère qui creuse des galeries sous l’écorce des arbres) qui ont décimé les plantations de conifères dans de nombreux pays européens en est un exemple.

Les arbustes à feuilles caduques semblent avoir particulièrement souffert. Un des problèmes est que nous les plantons souvent devant des haies ou des arbres plus grands. Ces derniers, avec leur développement racinaire plus développé et plus profond, pompent le peu d’eau disponible. Souvent, le feuillage est grillé sur une partie de la feuille ou de la plante. La reprise au printemps reste encore possible mais n’est pas garantie. Nous n’aurons pas de beaux feuillages d’automne.

Dans l’ordre: Kolkwitzia amabilis, Weigelia, Hamamelis et Stephanandra. Ce dernier, avec ses belles branches arquées qui jaunissent à l’arrière saison, est une de mes ressources favorites pour les bouquets d’automne. Je devrai m’en passer cette année… Le Parrotia est déjà rouge et vire au brun. Le Cornus kousa est lui aussi affreux!

Les stars de l’automne que sont les Hydrangea ne brilleront pas non plus en 2022: les feuilles pendent comme de tristes torchons et les fleurs, séchées avant même de s’épanouir ne coloreront pas. Les Hydrangea macrophylla, très gourmands en eau, sont parmi les premières victimes. Les feuilles velues des magnifiques Hydrangea villosa ne semblent malheureusement nullement les protéger du soleil. Seuls les Hydrangea paniculata semblent résister un peu.

Parmi les arbustes persistants, le Rhododendron est omniprésent dans les jardins. La plupart des belles variétés ont été importées des montagnes brumeuses et très humides d’Asie. Elles se sont adaptées à merveille dans le climat tout aussi humide de l’Ecosse. Certaines espèces, dont le Rhododendron ponticum très commun, sont même devenues invasives chez nous.

Pourrons-nous continuer à les cultiver avec le risque récurrent de sécheresses? Le fait est que le rhodo déteste cela. La plante essaie de diminuer l’évaporation en enroulant ses feuilles, ce qui réduit sa surface exposée au soleil, mais cela suffira-t-il?

Le constat désolant est que beaucoup de nos grands favoris ne sont pas adaptés à un climat plus chaud et plus sec. Si c’est cela qui nous attend, nous devrons radicalement changer notre conception du jardin et peut-être dire définitivement adieu à de fidèles amis. J’ai perdu trop de rhodos ces dernières années et l’attitude logique et raisonnable serait de ne plus en planter. Nous devons changer notre fusil d’épaule et nous adapter, faute de quoi nous aurons un désert.

Le tuyau d’arrosage n’est pas une option!

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