Plantez une micro forêt
La micro forêt est un concept de réensauvagement qui commence à prendre pied un peu partout et peut offrir des solutions écologiques intéressantes. Micro et forêt semblent se contredire. Dans ce contexte, la forêt se réfère à un écosystème complexe comprenant des arbres et d’autres végétaux, des animaux, des bactéries, des champignons…On peut donc imaginer une forêt sur 10 m2. Ayant récemment visité une belle réalisation dans une propriété en Belgique, j’ai trouvé intéressant de présenter ce concept, accessible à tous.
La méthode MIYAWAKI
principe premier: la densité
Une micro forêt se plante donc très différemment d’une plantation destinée à la sylviculture, avec ses distances et ses tuteurs. Le terrain choisi, généralement vierge et souvent dégradé, doit être nettoyé et, si possible, enrichi par un paillage, du compost ou du thé de compost. Ceci aidera à l’établissement de champignons qui aideront les arbres à s’installer. Ensuite on plante de très petits arbres, de 1 ou 2 ans, de manière aléatoire, avec une densité de 3 ou 4 arbres par m2, ce qui est énorme. Ces jeunes plants sont plus adaptables et forment plus vite une symbiose avec les mycorhizes.
Il faut une surveillance et un certain entretien, dont éventuellement un arrosage en été, pour les 3 premières années. La reprise et l’enracinement sont meilleurs que dans la reforestation traditionnelle. La résistance aux conditions extrêmes est meilleure également. Le tuteurage est superflu. Au bout de 3 ans la forêt sera autonome.
deuxième principe: des indigènes variés
Les espèces indigènes, qui ont mis des millions d’années à s’adapter à l’environnement local, sont les plus indiquées pour cette reforestation éclair. On choisira jusqu’à 30 ou 40 essences pour maximiser la biodiversité. Dans beaucoup de projets, on fait intervenir les communautés locales pour la récolte des semences, les semis en pépinière et la plantation. Cet aspect pédagogique favorise une reconnection à la nature.
Il y aura bien sûr les arbres pionniers de la région (bouleaux, sorbiers, saules…) mais aussi les arbres de canopée qui pousseront parmi les précédents avant de prendre le dessus (chènes, hêtres, frènes, tilleuls, érables…). Des arbustes à baies et à noix comme les noisetiers, aubépines, viornes, fusains, prunelles, occupent l’étage intermédiaire. Il y aura de la sorte une occupation maximale de l’espace vertical, augmentant la biodiversité et le stockage de carbone. L’accumulation rapide de feuilles mortes permet l’apparition spontanée de mousses et de fougères.
Dans les sols riches, la ronce fera son apparition très vite car elle aime la lumière. Nous ne l’aimons pas mais elle joue un rôle important en protégeant la nouvelle forêt des prédateurs comme un barbelé. Ses fleurs sont une excellente ressource pour les pollinisateurs et ses baies ont beaucoup d’amateurs. Au fur et à mesure où la forêt pousse en excluant la lumière, le roncier s’affaiblit.
Bientôt une belle diversité de champignons s’installe, dont certains sont comestibles: la forêt devient nourricière. Ils sont la preuve que tout l’écosystème fonctionne.
En 20 à 30 ans, on obtient une forêt pionnière dense, peuplée d’animaux, d’oiseaux et d’insectes. L’accélération est impressionnante: une forêt Miyawaki pousse jusqu’à dix fois plus vite qu’un bois normal. Cette technique peu coûteuse est donc une vraie solution pour la ville, les zones industrielles et celles qui ont subi une déforestation violente, suite à des incendies par exemple.
Comme le Bourgeois Gentilhomme qui faisait des vers sans en avoir l’air, j’ai créé une micro forêt sans le savoir … ni même le vouloir. Il y a une dizaine d’années, nous avons acquis un terrain attenant à notre propriété dans le Brabant Flamand. Le champ avait été cultivé en maïs, année sur année, à grand renfort d’intrants chimiques. Mon intention était de planter un bois. Sans écouter les mise en garde, impatiente, je commençai une plantation classique dès l’automne suivant. Ce fut en échec total. Beaucoup de plants ne reprirent pas et les chevreuils et les lièvres du bois voisin ne firent qu’une bouchée du reste malgré les spirales protectrices… en plastique. Une deuxième tentative ne prospéra pas davantage. C’est alors que je constatai un semis naturel dense, principalement de bouleaux et décidai de ne plus m’acharner et de laisser faire la nature.
Un bois naturel a poussé à une vitesse impressionnante, peuplé principalement de bouleaux, de saules et d’aulnes, espèces présentes dans l’environnement voisin. Au bout de dix ans on se croirait en Russie! Les ronces, les fougères et le mousses prospèrent. Les chevreuils se nourrissent et cassent parfois un tronc frêle avec leurs bois. Les quelques arbres rescapés de la plantation poussent maintenant protégés par les indigènes. Des pics verts et de nombreux oiseaux habitent la petite forêt. Nous avons assez vite fauché un parcours pour permettre une promenade à travers la nouvelle forêt, devenue impénétrable. Par la suite, j’ai planté quelques arbres à coloration d’automne à l’orée du bois: liquidambars, érables américains, merisiers… Dans le projet visité ils avaient planté une bordure d’arbres fruitiers.
La plantation d’une forêt de poche, comme on l’appelle parfois, est à la portée de tous et convient idéalement pour les projets associatifs en ville. De nombreuses vidéos en ligne proposent des démonstrations pas-à-pas. Explorez des sites comme semeursdeforets.org ou la formation FONA de permafforest.fr.
Vous n’obtiendrez pas l’élégance d’un parc mais votre forêt miniature pourra rendre des services écologiques inestimables. Il suffit de quelques mètres carrés pour tenter l’expérience!