Des buissons aux petites oreilles bleues
Je compte certainement les Ceanothus parmi mes plantes favorites. Peut-être parce qu’il y a 30 ans ils paraissaient inaccessibles pour nous, jardiniers de pays froids. Nous ne pouvions que nous extasier avec envie en visitant les jardins du sud de l’Angleterre. Aujourd’hui, réalité climatique indéniable, les Ceanothus non seulement se plaisent en Belgique, mais y font même preuve d’atouts de résistance certains.
Dans les climats doux, cette explosion inégalée de bleu démarre à Pâques, plus au nord vers mi-mai. A partir d’un très joli bouton, parfois rosé, les minuscules fleurs groupées en grappes s’ouvrent lentement, prolongeant le plaisir pendant un bon mois. Une semence se développe ensuite, elle aussi décorative. Pour le reste de l’année le beau feuillage vert luisant prend la relève, faisant du céanothe une plante belle en toute saison.
Le genre Ceanothus compte une bonne cinquantaine d’espèces à partir desquelles de très nombreux cultivars ont été développés pour les jardins. Après les Etats-Unis, ils ont conquis le Royaume-Uni mais commencent à se trouver sur le continent. Les propositions varient du bleu le plus tendre, à l’azur et même au bleu foncé. Mis à part ces tonalités subtiles, les fleurs se ressemblent beaucoup et je ne vais pas vous présenter tous ces cultivars. Les feuilles peuvent montrer de petites différences de formes et de tons de vert. Je dirais que le principal critère auquel l’amateur doit prêter attention est la taille finale de la plante qui peut varier d’une cinquantaine de centimètres à 2-3 mètres. Ces arbustes poussent très vite et peuvent atteindre leur taille adulte en peu de temps. Les tailler serait dommage, d’autant plus qu’ils fleurissent sur le bois de l’année précédente. Prenez donc le temps de vérifier sur Internet la taille de la variété choisie.
Dans le commerce, un des spécimens les plus faciles à trouver est Ceanothus thyrsiflorus ‘Repens’ qui, comme son nom le dit, est rampant. C’est dommage, car ce n’est certes pas un des meilleurs et son bleu très pâle est même un peu fade. Ceanothus griseus ‘Yankee Point’, avec une feuille vert foncé relativement grande et un beau bleu azur ne dépasse pas le mètre et est un meilleur choix comme comme couvre-sol ou pour cascader sur un mur.
‘Blue Mound’, forme une belle masse compacte d’1.50m où les fleurs font complètement disparaître le feuillage. ‘Skylark’ et ‘Victoria’ atteignent 2 m, ‘Julia Phelps’ et ‘Puget Blue’, magnifiques, vont sur les 2.50 m. Un des plus lumineux comme tonalité (2ème photo) est le splendide C. ‘Concha’, une valeur sûre. ‘Blue Sapphire’ est le plus foncé, avec une toute petite feuille.
Deux sélections sont un peu des exceptions. Le cultivar ‘Eldorado’ forme un très grand arbuste à feuillage variégé. C’est une curiosité et je la cultive, mais ne suis pas convaincue que la combinaison du feuillage au bord or et des fleurs bleues soit une si bonne idée.
Il existe aussi de rares céanothes blancs, dont ‘Millerton Point’ et ‘Snow Flurry’ (photo). Ce dernier pousse à une vitesse fulgurante et est certainement un magnifique persistant pour ceux qui poursuivent le rêve du jardin blanc. Il ne se couvre toutefois pas de fleurs de manière aussi spectaculaire que les bleus et le blanc est un peu terne.
Enfin, il existe des hybrides caducs, Ceanothus x delilianus, qui sont beaucoup plus rustiques (-15 °C) et conviennent pour des parterres. Ils sont assez distincts et fleurissent longuement en plein été. Ils bénéficient d’une bonne taille après l’hiver. Les plus connus sont ‘Gloire de Versailles’ à fleurs bleu ciel et ‘Marie Simon’, rose pâle.
Voir ces monticules bleus est déjà un enchantement, mais alors les sentir, les entendre vrombir et observer la folie qui y règne est hallucinant! Bourdons velus, abeilles et syrphes sont comme enivrés par l’abondance de nectar et ne savent plus où se poser.
Tout paraît un rêve bleu, une perfection! Hélàs, rien n’est parfait dans ce monde et le céanothe a son défaut caché qui a fait pleurer plus d’un jardinier: il vous abandonne du jour au lendemain, mourant partiellement ou entièrement sans raison apparente. Si la cause n’en est pas un gel sévère ou un excès d’humidité au pied, c’est simplement que votre plante a vécu. La dure réalité est que la vie du lilas de Californie est brève, il pousse vite et meurt au bout de 10 à 15 ans. C’est désolant, mais le jardinier est persévérant: il pleure sa perte et recommence…