Plongée dans le monde fascinant des lichens

Nous sommes en janvier et il n’y a encore ni fleur, ni feuille pour nous distraire au jardin. C’est le moment de baisser le nez vers une forme de vie peu spectaculaire peut-être, mais oh combien fascinante, présente dans tous les jardins. Voyez-vous ces ‘croûtes’ noires sur le vieux mur? Ces belles taches orange vif? Ce sont des lichens qui y poussent depuis des âges, à raison de quelques millimètres à peine par an.

Que ce soit sur les tuiles du toit, un rocher, une vieille barrière, le tronc ou les branches des arbres, même sur le macadam, les lichens sont partout. On estime qu’ils couvriraient 7 à 8 % des terres émergées de la planète, ce qui est plus que les forêts tropicales! Il en existerait plus de 15.000 espèces, dont 1.250 pour la Belgique, le Luxembourg et le nord de la France (voir lichenology.info). Les couleurs et les formes sont très variées; ils ressemblent à des croûtes sèches, des tâches de peinture, des mousses, des cornes. ..

Ces organismes encore très mystérieux connaissent un regain d’intérêt scientifique. Le peu que j’en sais provient principalement du livre Entangled Life de Merlin Sheldrake, contenant cette belle illustration.

Dès la fin du 19ème siècle, des scientifiques ont émis l’hypothèse qu’un lichen serait composé de deux entités distinctes, une algue et un champignon. L’idée était très contestée à l’époque, car contraire à la théorie de l’évolution de Darwin. Dans le cas du lichen, des capacités nouvelles étaient acquises ‘d’un coup sec’, par une alliage avec un autres organisme, plutôt que par sélection naturelle.

Le terme symbiose fut créé par un botaniste allemand en 1877 pour décrire la vie commune des deux partenaires, algue et champignon. Dans une symbiose, le tout est plus que la somme de ses parties. Aujourd’hui, nous savons que le lichen est plus complexe encore, pouvant contenir également des bactéries et des levures.

Qui fait quoi dans le couple? La composante champignon assure une protection physique et acquiert des nutriments pour l’ensemble, en dissolvant par exemple les roches avec des acides. L’algue, pour sa part, réalise la photosynthèse, transformant la lumière et le CO2 en sucres énergétiques.

Les mystérieux lichens peuvent nous inciter à nous poser des questions existentielles quant à notre propre unicité. La vie humaine est elle aussi le résultat de symbioses réalisées au cours de l’évolution.

Chaque lichen a sa préférence de situation. Beaucoup d’espèces aiment les rochers et peuvent entrer en compétition pour occuper un bloc de granit. Véritable force géologique, ils mangent la roche et la cassent par la force de leur croissance. En mourant et se décomposant, les lichens créent de petites poches de terre où les premières plantes peuvent commencer à pousser. Ce phénomène est très visible sur les rochers de bord de mer, où les lichens commencent là où s’arrêtent les algues. On estime que ces organismes étonnants ont évolué il y a 400 millions d’années environ.

Le lichens sont présents dans tous les climats, sous toutes les latitudes. Ils servent de nourriture aux rennes du grand nord, couvrent les rochers des montagnes et les bords de mer mais, plus curieusement, ils peuvent aussi couvrir des surfaces immenses de désert. En Namibie, le sol qui paraît totalement aride, est en réalité couvert d’une grande variété de lichens, survivant grâce aux brouillards de l’océan.

Les lichens sont des organismes extremophiles, capables de reprendre vie après une longue période de dessèchement. Ils ont fait l’objet d’expériences scientifiques sur la Station Spatiale Internationale où ils ont démontré une capacité à résister à une exposition aux rayons cosmiques.

Comme l’indique clairement cette affiche, le désert du Namib, couvert de lichens étonnants, constitue un biotope unique et extraordinairement fragile.

Que doit penser le jardinier dont un arbre (souvent un fruitier) est littéralement drapé de lichens? Ce n’est certes pas un signe de santé! Mais apparemment, le lichen n’est pas le coupable; ce n’est pas un parasite, mais simplement un opportuniste. Il profite de l’arrivée de lumière sur les branches d’une plante au feuillage dégarni.

Dans un jardin italien dont la gloire est bien passée, la statuaire offre l’image follement romantique de la nature qui reprend lentement mais sûrement ses droits sur l’arrogance humaine .

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