Droits comme des i: les arbres fastigiés

Colonne, pilier, obélisque, pyramide, flèche, fusée, minaret, totem, sentinelle … voilà quelques termes associés aux noms des arbres fastigiés. L’adjectif fastigiata (les arbres sont féminins en latin, contrairement au français!) vient du latin fastigium, le faîte, le sommet. Il se réfère à des plantes dont les branches et les rameaux pointent tous vers le haut, presque parallèles et serrés contre la tige principale. Le résultat est une colonne dense et étroite.

Dans la nature, il y a un certain nombre d’arbres naturellement fastigiés, comme ces cyprès sur une île grecque sur le versant très exposé au vent. Leur port étroit est sans doute une adaptation à ces conditions climatiques.

La valeur ornementale de ces belles colonnes a été exploitée depuis longtemps dans les jardins et les paysages, surtout en Toscane. Les alignements de cyprès bordant les chemins sinueux des crêtes siennoises sont le cliché par excellence de la campagne toscane.

On ne peut nier l’impact visuel de ces 3 ‘crayons’ judicieusement placés dans ce jardin! Dans les climats plus froids où le cyprès méditerranéen, Cupressus sempervirens var. pyramidalis ( ou stricta ou fastigiata) serait en dehors de sa zone de confort, on peut produire le même effet avec des genévriers colonnaires: Juniperus communis ‘Hibernica’ (le genévrier d’Irlande’, J. communis ‘Pyramidalis’ et ‘Sentinel’, J. virginiana ‘Blue Arrow’ et J. scopulorum ‘Skyrocket’ par exemple. Les derniers sont particulièrement étroits.

Un arbre si haut et élancé définit les grands paysages, permet de magnifiques allées et alignements, mais est aujourd’hui surtout un atout majeur dans les villes et les petits jardins urbains et péri-urbains. Les responsables de la planification urbaine se rendent bien compte qu’il faut verdir la ville, mais aussi réduire les besoins d’entretien. C’est là que les arbres fastigiés se rendent vraiment utiles, n’ayant pas besoin de taille pour limiter leur encombrement. En conséquence, les horticulteurs ont créé de très nombreuses sélections de choix au cours des dernières années pour répondre à cette demande publique. Comme jardiniers amateurs, nous pouvons en profiter, car on trouvera toujours une place pour un sujet qui serre les coudes à ce point.

La forme fastigiée de l’if, Taxus baccata ‘Fastigiata’ est très courante. On voit clairement la pousse verticale des rameaux. Malheureusement, en vieillissant, la plante a tendance à s’élargir vers le haut. En cas de neige lourde ces branches verticales peuvent s’ouvrir et s’abîmer. Pour avoir un bel obélisque il vaut parfois mieux tailler un if normal. Les versions dorées, ‘Fastigiata Aurea’ et ‘Fastigiata Aureomarginata’ sont d’un effet très lumineux.

Le peuplier d’Italie, ou de Lombardie, Populus nigra var. italica est sans doute un des arbres fastigiés les plus connus. Il pousse extrêmement vite et peut atteindre 30m de haut. On constate qu’il est bien ramifié depuis la base. Planté en haie, il est très largement utilisé comme coupe-vent, notamment pour abriter des terrains de sport ou des plantations fruitières. Le spectacle du feuillage doré en automne est éblouissant.

Méfiez-vous: étroit ne veut pas dire petit! Certains arbres fastigiés atteignent des hauteurs considérables, comme le très beau cultivar du chêne pédonculé Quercus robur ‘Fastigiata Koster’. Je le vois souvent planté dans de petits jardins à front de rue, mais me demande si les propriétaires se rendent compte qu’il atteindra deux fois la hauteur de leur maison. En position solitaire, comme ici au Royal Golf Club de Belgique, il fait belle impression même en janvier, étant marcescent. (Inutile de dire que les golfeurs préfèrent mille fois un fastigié à la vaste frondaison d’un chêne normal…)

Le croisement du chêne pédonculé fastigié et du chêne américain Quercus bicolor, a produit l’hybride Quercus x warei et une magnifique collection de cultivars fuselés aux noms évocateurs: ‘Regal Pince’, ‘Nadler’, ‘Wind Candle’, ‘Chimney Fire’. Le feuillage, plus large que celui de notre chêne indigène, est plus intéressant et peut prendre de belles tonalités rouges à l’automne. Quand ces belles nouveautés deviendront plus courantes, l’avenir de nos rues sera assuré!

Dans les chênes encore, la version mince du chêne des marais, Quercus palustris ‘Green Pillar’ , facile à trouver, a aussi le mérite d’une belle coloration d’automne, rouge puis bronze. Acheté en pépinière à cette taille-ci et planté dans son jardin, l’effet est immédiat.

Beaucoup de nos arbres favoris existent en version étroite et, vu leur succès, cette liste ne fait que s’allonger. Leurs silhouettes verticales, souvent un peu tortueuses, s’admirent particulièrement sur le ciel en hiver. Voici le bouleau Betula pendula ‘Fastigiata’ (pas pendula du tout), le très beau hêtre pourpre Fagus sylvatica ‘Dawyck Purple’, le liquidambar ‘Slender Silhouette’ et le charme Carpinus betulus ‘Fastigiata’.

En cherchant un peu vous trouverez Ginkgo biloba ‘Blagon’, le tulipier Liriodendron tulipifera ‘Fastigiata’, Amelanchier alnifolia ‘Obelisk’, Parrotia persica ‘Vanessa’, Prunus serrulata ‘Amanogawa’, Picea pungens ‘Blue Totem’ et bien d’autres encore. Un vaste choix susceptible de tirer n’importe quel jardin vers le ciel.

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