La grenade et sa symbolique

Voici un sujet typiquement ‘Tuyaux de jardin’ qui a tout pour m’enthousiasmer. Le grenadier et la grenade peuvent être abordés tant sous l’angle de la botanique, que de la symbolique, de l’étymologie et de la gastronomie. C’est un fruit qui appartient à la tradition indo-européenne, ancré dans nos cultures depuis la nuit des temps. Aujourd’hui, nous en apprécions plus que jamais les qualités et la résistance.

Commençons par un peu de botanique. Le grenadier, Punica granatum, forme un petit arbre épineux, le plus souvent multi-tronc, et pouvant atteindre jusqu’à 10 m. Son feuillage vert vif, composé de feuilles entières et ovales, est caduc. L’arbre peut vivre très longtemps, jusqu’à 200 ans. Originaire de l’Iran et d’Asie centrale, la plante a été domestiquée depuis aussi longtemps que le vigne et l’olivier. On en retrouve une trace historique il y a 6000 ans. Les phéniciens diffusèrent la grenade dans tout le bassin méditerranéen où elle s’acclimata parfaitement. Le grenadier apprécie la chaleur et les sols secs, supportant le calcaire et même les embruns. Sa limite de rusticité est autour de -15°C, mais sur de courtes périodes. Son gros fruit, qui mûrit au début de l’automne, après la figue et le raisin, mais avant les citrus, nécessite beaucoup de soleil pour arriver à maturité. C’est donc clairement un fruitier des régions chaudes et sèches.

Un vieux grenadier peut devenir un bel arbre ornemental. Le tronc devient bosselé avec les ans et l’écorce, brun clair à gris, se desquame sur les vieux sujets.

Pour le jardin, on utilise beaucoup la variété naine, Punica granatum var. nana, qui forme un joli buisson compact au petit feuillage dense. Le charme de cette plante est que les fleurs rouge sang et les fruits sont produits tout au long de la saison et peuvent donc s’admirer simultanément. Les petits fruits, de forme parfaite, sont très décoratifs et bien entendu comestibles, mais bien moins délicieux que les variétés sélectionnées pour la saveur de leur jus. En Extrême Orient, le grenadier nain est très prisé en bonsaï. Dans son jardin, on peut le tailler aux dimensions voulues. C’est un atout pour les jardins de soleil auquel on ne pense pas suffisamment. Peu soiffard et très sain, il convient pour la culture en pot, pouvant être mis à l’abri dans les zones froides.

Pour le jardin, on peut aussi opter pour les quelques magnifiques variétés ornementales à fleurs doubles, larges et toutes chiffonnées. Hélas, elles ne portent pas de fruits. Les sélections sont généralement rouges, comme ‘Maxima Rubra’, aussi tape-à-l’oeil qu’une fleur d’hibiscus. ‘Luteum Plenum’ est une alternative jaune pâle de toute beauté.

La grenade peut varier tant par sa taille que sa couleur, variant du jaune au rose et au rouge. Il en existe même une variété presque noire. Les gros fruits, très lourds, sont solidement accrochés à la branche (ils ne risquent heureusement pas de vous tomber sur la tête); il vous faudra un sécateur pour les cueillir. Les fluctuations de pluies et de sécheresse peuvent provoquer l’éclatement des fruits qui risquent de pourrir. En bon état, ils se conservent cependant longtemps au frais grâce à leur péricarpe très dur. Les seuls oiseaux, fort malins, qui en viennent à bout et en raffolent, sont les pies et les perruches.

Du point de vue botanique, le fruit de la grenade est une baie, un fruit charnu contenant les graines. La graine entourée de chair juteuse s’appelle une arille et c’est la partie que l’on mange. Une grenade peut en contenir 200 et plus! Ces graines sont généralement assez dures et peu agréables à manger. De nouvelles variétés à graines tendres ont été développées récemment.

Cette quantité de graines m’amène à l’étymologie du nom. Le nom de genre Punica se réfère au nom que les romains donnaient à Carthage (vous aurez peut-être encore quelques souvenirs scolaires des guerres puniques: Carthago delenda est etc.). C’est toutefois l’épithète granatum, à grains, qui a frappé les esprits et produit les noms communs dans nos différentes langues. Le nom italien de melograno dérive du latin malum (pomme) et granatum. Ceci a donné en vieux français la pomme grenate (pomum désignant un fruit en général) d’où le nom anglais pomegranate. En français on devrait donc avoir une grenate au lieu d’une grenade! La couleur qui en dérive est d’ailleurs la couleur grenat et il existe aussi une pierre précieuse rouge: le grenat. La bombe que l’on dégoupille a quant à elle été nommée par analogie avec la forme du fruit. Contrairement à ce que l’on croit parfois, le nom de la ville espagnole de Granada, Grenade, dérive d’un mot arabe et n’a en réalité rien à voir avoir le fruit.

Tout dans la grenade, sa forme, sa couleur et surtout sa multitude de graines en ont fait un symbole puissant dans de très nombreuses cultures depuis la haute antiquité. On retrouve des grenades dans les tombes égyptiennes et dépeintes sur les fresques de la Vallée des Rois. Les grecs façonnaient des vases en forme de grenade. La couleur évoquant le sang d’Adonis, ils en firent le fruit des morts. L’arbre est présent dans les estampes orientales et le motif est récurrent dans les mosquées des empereurs moghols où au contraire on y voyait l’arbre de la vie. Plus près de nous, les églises baroques italiennes en usent abondamment, au même titre que des grappes de raisin. Toutes les époques ont été sensibles à la forme évocatrice de la grenade.

Un merveilleux tableau de Sandro Botticelli aux Offices à Florence dépeint une madone où l’enfant tient une grenade, la Madonna della Melagrana. Dans le symbolisme chrétien il y a une quantité de sens différents: la grenadier est un des candidats au titre d’arbre de la vie, sa couleur rouge symbolise la passion, les graines peuvent se référer à l’abondance ou à la vie éternelle. Les lobes du calice auraient inspiré la couronne de Salomon et toutes les couronnes futures, faisant de la grenade un symbole de royauté.

La symbolique la plus courante dans la plupart des cultures est toutefois l’abondance et la fertilité. Offrir une grenade est un véritable voeu de prospérité et de bonheur!

Retour sur terre à la dégustation de ce fruit magnifique dont la saveur peut aller de l’aigre-doux au sucré. La grenade était un ingrédient traditionnel très présent dans la cuisine iranienne et indienne, détrôné bien souvent par l’arrivée de la tomate, bien plus facile d’usage.

Les arilles sont souvent utilisées telles quelles, disséminées sur une salade ou un dessert. L’usage le plus courant est toutefois le jus de grenade. Presser le fruit pour en extraire le jus demande de la force et idéalement un presse-fruit à levier solide. Le jus, on s’en doute est excellent pour la santé.

La grenadine tellement appréciée des enfants était bien sûr à l’origine une boisson à base de jus de grenade, de sucre et d’eau.

Voici cependant la liste des ingrédients de la grenadine d’une bonne marque du commerce: sucre, sirop de glucose-fructose, eau, jus de fruits rouges à base de concentrés 4% (sureau, groseille, cassis, framboise), acidifiant : acide citrique, arômes, antioxydant: acide ascorbique, conservateur : sorbate de potassium. Pas l’ombre d’une grenade…

Vous aurez deviné mon message; cultivez la grenade vous-mêmes ou passez à l’épicerie arabe la plus proche.

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