Récoltez vos propres semences potagères

Personnellement, j’ai découvert l’intérêt de produire ses propres semences le jour où quelques laitues montées en graine se sont ressemées spontanément dans mon potager. Des dizaines de semis sont apparus fin septembre autour de ces plantes. Je les ai repiquées soigneusement et ces jeunes laitues ont produit jusqu’au printemps avec une qualité et une résistance exceptionnelles (même les limaces les respectaient, au contraire des semis tendres sortis de la serre).Elles s’étaient visiblement parfaitement adaptées à mon sol et à mon climat en l’espace d’une génération!

Beaucoup d’herbes potagères et de légumes produisent des semences que l’on peut parfaitement récolter pour les semer l’année suivante. Pas tous toutefois; certains végétaux ont une pollinisation croisée qui fait que les graines ne produiront pas l’équivalent de la plante mère. Parfois, le résultat peut-être carrément immangeable comme dans le cas de courges.

Les légumes issus de semences F1, qui sont des hybrides de 1ère génération, sont généralement stériles ou produisent des graines dont les rejetons ne sont pas fiables. La vente des ces semences, qui ont des qualités de vigueur et un potentiel germinatif indéniables, oblige cependant le jardinier à racheter des semences chaque année.

Il convient donc de reproduire soi-même uniquement les semences de variétés anciennes qui, si elles sont bien issues d’hybridations à un moment donné, se sont stabilisées au fil des générations. Pour le jardinier amateur il y a beaucoup d’expériences à faire qui ne nécessitent pas une maîtrise particulière: toute la famille des oignons, l’aneth, le basilic, les bettes, le persil, le fenouil, les radis, les petis pois, fèves et haricots …

Pour en arriver là, il faudra bien sûr que vous ayez été un jardinier tolérant, qui n’envoie pas au compost le premier légume échappé à la table ou qui s’avise de fleurir. Attendez des journées sèches et ensoleillées pour procéder à la récolte. L’été 2022, chaud et sec, a été particulièrement propice à la formation des semences.

Les graines les plus faciles à récolter sont celles de la grande famille des Ombellifères, que l’on appelle les Apiacées (du latin apium, persil ou céleri sauvage). Cette famille est représentée au potager par le persil et le céleri effectivement, mais aussi la carotte, le panais, le coriandre, l’aneth (1ère photo) et le fenouil (2ème photo). Les fleurs disposées en ombelles, le plus souvent blanches ou jaunes, sont très décoratives et mellifères. Les semences se forment en grand nombre et sont prêtes à récolter quand elles prennent une couleur brune. Celles du fenouil ou du coriandre méritent aussi d’être récoltées comme condiment, pour aromatiser des plats ou du sel.

Prenez un grand bol ou un sac et frottez les têtes florales dedans pour faire tomber les graines. Etendez les ensuite sur un plateau pour permettre aux petits insectes de s’échapper et achever de bien sécher les semences avant de les stocker.

Le basilic est facile à récolter. Je laisse toujours fleurir une partie du basilic car les abeilles raffollent de son nectar. Chaque petite graine noire est contenue dans un aileron. Il faut s’assurer qu’elle ne soit pas tombée. Pour un semis maison il n’est pas nécessaire de se débarrasser de l’enveloppe. Certains consomment les graines de basilic en lieu et place du chia car elles auraient des qualités de super aliment. Il convient de les faire tremper 15 min dans de l’eau pour les rendre gélatineuses avant de les ajouter à une préparation. Récolter assez de graines pour cet usage est à mon avis au-delà de ce que peut faire un jardinier amateur.

Les moutardes offrent une réserve de feuilles comestibles tout au long de l’année, étant très résistantes au froid. Après la floraison de longues gousses pointues apparaissent, contenant d’innombrables graines. Elles sont très faciles à récolter une fois sèches. Il suffit de bien frotter les gousses, sur un plateau par exemple, pour faire tomber les graines. En soufflant on pourra faire voler les pailles légères. Les moutardes à grandes feuilles sont assez coriaces et conviennent surtout pour les plats cuisinés. En revanche, ma variété favorite, ‘Purple Frills’, a une petite feuille pourpre très découpée, idéale pour relever et colorer les salades. Elle est formidable en jeunes feuilles (ici un semis réalisé en août) mais reste tout aussi bonne sur des plantes développées. Si on ne récolte pas les graines elle se ressème spontanément. ‘Purple Frills’ n’est pas courante dans le commerce et je la perpétue donc en mode circulaire depuis des années.

Quand la production des haricots bat son plein, il est parfois difficile de les manger assez vite! Certaines gousses vont donc atteindre une taille où, au lieu d’être tendres et délicieuses, elles deviennent coriaces et filandreuses (ici le haricot nain noir ‘Purple Teepee’). Heureusement, on peut recycler ces gousses pour récolter les graines, à consommer dans les pot-au-feu ou à conserver pour les semis de printemps. La cueillette de ces gousses stimulera une nouvelle production. Laissez-les sécher quelques jours pour qu’elles soient plus faciles à ouvrir. Les graines doivent elles-aussi bien sécher. On recommande de les placer quelques jours au congélateur pour tuer tout parasite caché dans la fève.

Pour certains légumes qui ne participent pas à la rotation annuelle, les oignons de printemps et l’arroche par exemple, j’agis en mode paresseux, secouant simplement les tiges pour que les graines tombent et se ressèment sur place toutes seules.

Tagetes tenuifolia ‘Gem’ mix de chez Baumaux, un oeillet d’Inde miniature.

Les belles journées de l’été indien sont aussi le moment idéal pour récolter les semences des fleurs qui tiennent compagnie aux légumes, les protègent, attirent les pollinisateurs et embellissent le potager. Les oeillets d’Inde et les soucis sont très prolifiques et faciles à récolter. Si vous secouez les belles queues de l’amarante dans un sac, vous ferez tomber des centaines de semences minuscules.

Après ce moment de récolte agréable et ensoleillé, on profitera d’une journée pluvieuse pour organiser et étiqueter ses semences. Des enveloppes recyclées, des sachets en plastique et divers contenants peuvent convenir.

Tout ce que je vous décris est très peu professionnel mais suffit à mes ambitions.

En revanche, pour ceux et celles qui voudraient aller plus loin, je recommande le site diyseeds.org (diy pour do it yourself en anglais), qui est traduit dans de nombreuses langues. En français, le site se nomme joliment Semences buissonnières. Il propose 40 films de 10-15 minutes sur la production des semences d’autant de légumes, avec des indications botaniques, la pollinisation, le cycle de la vie, l’extraction et la conservation des semences. Il y a aussi des indications intéressantes sur la légalité de l’opération.

Je copie du site: “Ces films ont été produits par Longo Maï et le Forum Civique Européen, deux associations qui sont depuis longtemps concernées par l’avenir des semences.”

Essayez et introduisez vous aussi un peu d’économie circulaire dans votre potager.

Précédent
Précédent

La grenade et sa symbolique

Suivant
Suivant

L’éloge des simples