Divisez et multipliez pour créer une mer de narcisses

Qu’y a-t-il de plus réjouissant au printemps que de vastes champs de narcisses dans lesquels on aimerait se rouler, chercher des oeufs de Pâques, cueillir d’énormes brassées parfumées? Ces champs de daffodils sont un peu la marque de fabrique des grands parcs anglais. Certaines propriétés du National Trust sont célèbres pour le spectacle d’immenses vagues de narcisses, blancs ou jaunes, grands ou miniatures. Pourtant, avec un peu de patience, cette réalisation est à la portée de tous. Mes parents ont créé ce spectacle impressionnant dans le parc de Londerzeel.

Dans la nature, les narcisses ont tendance à former naturellement de vastes colonies. Dans les sous-bois et les prés du sud de la Belgique, l’espèce sauvage Narcissus pseudonarcissus, ou jonquille des bois, peut couvrir de grandes étendues. En défintitve, nous ne faisons qu’essayer de copier la nature …

J’en profite pour préciser que le nom commun de jonquille provient d’une autre espèce sauvage, Narcissus jonquilla. Le nom a été abusivement étendu à tout le genre. En bref, toutes les jonquilles sont des narcisses mais l’inverse n’est pas vrai. Parlons donc de narcisses …

Il y a deux manières de procéder pour réaliser un champ de bulbes. La plus traditionnelle est d’acheter des bulbes secs en fin d’été et de les planter en automne. Pour de grandes superficies, c’est un travail très conséquent. Il existe cependant des firmes qui possèdent des machines à planter et qui le font pour les entreprises.

La deuxième solution est la plantation ‘en vert’, après la floraison, en procédant par division des touffes existantes. C’est cette méthode, économique et efficace, que je vais vous démontrer. L’opération peut s’effectuer dès que les fleurs sont fanées.

Certains narcisses se multiplient très rapidement, chaque bulbe en produisant 2 ou 3 l’année suivante. La croissance est donc exponentielle (tout le monde a compris ce que cela veut dire maintenant) et bientôt une grosse touffe se forme où tout est trop serré. A ce moment là, les bulbes s’affaiblissent et commencent à ne plus fleurir, ne produisant plus que des feuilles. Dans les vieux jardins, on trouve souvent de vieilles touffes de ce genre dont vous pouvez peut-être vous servir. Vous serez étonnés de voir ce que vous trouverez en les déterrant. La division est une excellente manière de les rajeunir et de relancer la floraison. Elle s’inscrit aussi parfaitement dans l’esprit de recyclage et de partage. Laissez quelques bulbes dans le trou d’origine et prélevez le reste. Replantez-les deux par deux. En laissant le feuillage pour que la photosynthèse puisse s’opérer, les bulbes auront tout le temps de se reconstituer et même de se dédoubler pour le printemps prochain.

L’espèce multipliée sur la vidéo est une forme simple, à petite couronne, proche de Narcissus poeticus. Elle aime particulièrement les zones humides et se multiplie très rapidement. Dans la nature, elle peut couvrir des vallons entiers. Il est important de choisir des variétés proches des espèces sauvages. Les bons marchands de bulbes (voir l’article ‘Rêvons le printemps du 2 octobre 2020) indiquent si la variété est indiquée pour la naturalisation. Pour l’environnement, il faut aussi s’assurer que le bulbes n’ont pas été prélevés dans la nature. Les sélections trop sophistiquées, très doubles, conviennent en règle générale moins bien.

Faites votre choix en matière d’esthétique; souhaitez-vous une grande vague homogène et monochrome ou au contraire un grand mélange de formes et de couleurs? Tenez compte du fait que les floraisons de différents cultivars peuvent s’échelonner sur plus d’un mois.

En quelques années, j’ai pu créer ce tapis de narcisses blancs dans le verger de pommiers décoratifs. Ils sont tous les mêmes, de la variété ‘Jenny’. C’est une fleur ravissante, qui semble avoir relevé son jupon, une caractéristique de l’espèce Narcissus cyclamineus (les fleurs de cyclamen ont aussi les pétales retroussés). Cette espèce, qui dans la nature est jaune et n’atteint que 20 cm, se naturalise et se multiplie très bien. C’est d’ailleurs le cas du petit jaune bien connu 'Tête-à-Tête’, le grand favori de Pâques, qui est une sélection de la même espèce.

Au départ j’ai reçu une caisse de ‘Jenny’ de Jenny Van Driessche, dont la propriété en était remplie. Quel merveilleux cadeau! De division en division j’ai peu à peu rempli tout le verger.

La technique de multiplication par division des touffes après la floraison peut s’appliquer à la plupart des bulbes comme les perce-neige, les crocus, les scilles, les jacinthes sauvages. Les tulipes en revanche ont trop tendance à dégénérer (sauf les espèces botaniques). Ici j’ai répandu les Leucojum aestivum que j’adore. Rares sont les marchands qui vendent les bulbes ‘en vert’, une pratique pourtant courante au Royaume-Uni. Par contre, vous pourrez parfois récupérer des invendus défleuris chez votre pépiniériste ou le fleuriste du coin à très bon prix; au moins vous sauverez ces bulbes de la décharge…

En créant une large zone plantée de bulbes sous de grands arbres par exemple, vous aurez soustrait une partie de la pelouse au rasage intempestif de la tondeuse: tout bénéfice pour la biodiversité! Bientôt d’autres fleurs apparaîtront dans les longues herbes, cachant opportunément vos narcisses défleuris. Car n’oubliez pas la règle essentielle: pas de tonte avant que le feuillage ne soit complètement jauni!