Le vent dans les voiles

Le vent. Voilà bien un élément qui est rarement pris en compte par les paysagistes. On vous proposera des thèmes de couleurs (généralement un jardin bleu ou blanc), des allées et des tonnelles, des buis taillés jusqu’à plus soif, éventuellement des collections thématiques de plantes, mais qui vous suggérera un jardin qui ondule dans le vent? Dans les contrées méridionales, en Italie par exemple, les jardins sont particulièrement statiques, fondés principalement sur des éléments d’architecture: murs, bassins, vases, statues. A cela s’ajoute la rigidité des cyprès, des pins parasols et des topiaires. S’ils peuvent être majestueux, ce sont des jardins où ne passe pas un souffle. A mon sens, des plantations qui accueillent la brise donnent une impression de fraîcheur bienvenue.

Le vent de mer agite et fait bruisser les palmes séchées des Washingtonia, comme un vent dans les voiles. Ces grands palmiers peuvent atteindre 25 m de haut. Il y a deux espèces, robusta et filifera, originaires du Mexique et de la Californie, qui sont tout à fait adaptées au climat méditerranéen et peuvent supporter de brèves gelées jusqu’à -8°C.

Le faux-poivrier est un arbre de toute beauté, avec le longues branches retombantes très souples qui se balancent comme une chevelure. C’est un peu l’équivalent sud-américain de notre saule pleureur. Les longues feuilles bipennées sont très élégantes, tout comme son écorce couleur cannelle. Schinus molle doit son nom commun aux baies roses et sèches qui apparaissent après les grappes de fleurs blanches. Elle peuvent être utilisées comme condiment. Comme beaucoup de plantes sud-américaines, le faux-poivrier connaissait de nombreuses utilisations médicinales. Sa résine blanche aurait par exemple été utilisée pour embaumer les rois Incas. L’arbre est normalement persistant mais peut perdre ses feuilles en cas de gelée. Sa limite est aux alentours de -5°C.

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Un des plus beaux arbres que l’Amérique du Sud nous ait permis de découvrir est le Jacaranda mimosifolia. Les rues de Buenos Aires sont couvertes d’une large voûte bleue au printemps et ces arbres splendides sont maintenant aussi bien cultivés en Afrique du Sud qu’en Australie. Bien que sub-tropical, le jacaranda s’acclimate parfaitement en méditerranée, même sans arrosage, à condition à nouveau qu’il n’y ait pas de gelées importantes. Les panicules de fleurs bleu violet qui couvrent littéralement l’arbre au printemps sont l’attrait principal de l’espèce. Les grandes feuilles (jusqu’à 45 cm) qui font penser à celles du mimosa comme l’indique l’épithète mimosifolia, sont bipennées et donnent une ombre légère et agréable. Elles s’agitent dans la brise comme un éventail de plumes d’autruche.

Après ces trois arbres de choix, voici quelques belles vivaces qui enchantent par leur mouvement. La plus légère est sans doute Gaura lindheimeri. Les sélections ‘Whirling Butterflies’ (papillons tourbillonnants) et ‘Summer Breeze’ (brise d’été) reflètent bien l’aspect voltigeant des petites fleurs, espacées sur des inflorescences qui peuvent atteindre 1m de long. L’espèce de base est blanche mais de nombreux cultivars ont été développés, notamment dans les tons rose pâle à rose foncé. La plante est précieuse pour les villégiatures ou les bords de piscine, car elle fleurit de printemps à l’automne sans interruption. Elle n’est curieusement pas visitée par les abeilles et autre butineuses, ce qui est un atout pour ceux qui se sentent un peu vulnérables en maillot de bain…

Cette texane a de plus une résistance remarquable à la sécheresse et survit à de longues périodes de soif. Elle se ressème abondamment. Même dans des zones fraîches on peut parfaitement cultiver les gauras avec succès, en pot bien sûr, mais aussi en pleine terre dans un sol drainé. Pour mieux protéger la base de la vivace, où se formera une nouvelle rosace de feuilles au printemps (assez tard d’ailleurs, donc soyez patients), je préfère laisser les tiges florales séchées tout l’hiver, même si ce n’est pas très esthétique.

Pour les pointilleux, je signale qu’à ma surprise le nom familier de Gaura lindheimeri, qui vient du grec gauros (majestueux, superbe), vient d’être remplacé par Oenothera lindheimeri, suite à une reclassification botanique.

Les nordiques parmi nous sont familiarisés depuis un certains temps avec l’usages des graminées, popularisées par les magnifiques réalisations du néerlandais Piet Oudolf. Bien que les campagnes soient remplies de belles espèces, la mode des herbes ne semble pas avoir atteint les pépiniéristes italiens. Les paysagistes ne les trouvent sans doute pas dignes d’un jardin noble. J’ai du remplir mes bagages de petits pots pour les introduire. Pourtant, qu’y a-t-il de plus ravissant et de plus vaporeux que des fleurs de graminées qui captent les derniers rayons du soleil? Sans compter que certaines espèces sont des alliées majeures dans la réalisation de jardins secs. Stipa gigantea, illustré ici, est un des plus spectaculaires du genre.

Toutes les graminées ne sont pas adaptées aux climats chauds et secs, mais celles qui proviennent des prairies le sont généralement et le choix est vaste. Stipa tenuissima (aujourd’hui renommé Nassella tenuissima) avec des feuilles fines comme des cheveux, d’abord vertes puis virant au blond, est très charmant. Il ne pousse pas haut mais forme de belles touffes. Se ressemant un peu partout, il apporte douceur et légèreté aux parterres. Une tendance à s’échapper des jardins fait que cette plante, originaire du Mexique et d’Argentine, est considérée comme une menace pour les pâturages dans certains pays.

L’herbe de la Pampa, Cortaderia selloana, est aussi originaire d’Argentine. L’espèce type est géant, coiffé de grands plumeaux argentés. Il en existe même une version rose, dont l’aspect barbe à papa est une contribution franchement douteuse à l’horticulture. Pour ma part, seule la sélection ‘Pumila’, n’atteignant qu’un mètre cinquante, peut s’intégrer dans le jardin.

Calamagrostis forme des touffes compactes de feuilles toutes fines avec des fleurs dressées, les faisant ressembler à des roseaux (kalamos en grec).

Les Pennisetum sont très heureux dans un jardin sec et ont une taille très gérable. Après l’hiver il faudra recouper les touffes à ras. Ne le faites surtout pas avant car les feuilles séchées couleur paille font tout l’attrait de la plante en hiver. Cette sélection qui retombe souplement sur le chemin s’appelle Pennisetum incomptum, ce qui en latin veut dire mal coiffé, échevelé. On reste dans le thème des cheveux!

Choisissez donc quelques plantes fines et légères et laissez Eole ébouriffer votre jardin. Vous aurez une impression de brise rafraîchissante, même si ce n’est qu’une illusion…

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