Le Micanthus,une graminée aussi utile qu’élégante
Miscanthus sinensis est une graminée de grande taille, originaire de l’est de l’Asie et notamment indigène du Japon. Elle fait partie des 7 fleurs annonciatrices de l’automne et, à ce titre, on la voit représentée sur des kimonos, des paravents ou des estampes à thème automnal. Dans cette copie d’un estampe d’Utagawa Hiroshige, datant de 1858, la grâce de la floraison est parfaitement observée.
Ce sont les plumeaux soyeux des Miscanthus qui nous permettent de les distinguer d’autres graminées très en vogue dans nos jardins. Alors que les Pennisetum forment des épis en brosse par exemple, chaque tige de notre herbe porte de petites tiges florales disposées en éventail. Cela s’appelle joliment des épillets. Le nom de Miscanthus signifie d’ailleurs ‘fleurs sur tiges’, du grec mischos, la tige et anthos la fleur.
Les floraisons soyeuses peuvent avoir différentes couleurs, du rouge métallisé de ‘Red Cloud’ , au bronze de ‘Morning Light’ ou l’argent de ‘Silberfeder’ (plume d’argent en allemand).
Parfois appelée, sans raison apparente, herbe à éléphant, Miscanthus sinensis est une graminée de grande taille, pouvant atteindre plus de 3 mètres. Même la jolie sélection à fleurs dorées ci-dessus, nommée ‘Adagio’ et donnée pour une des petites variétés, dépasse largement la bordure de pennisetums de l’avant-plan.
La plante aime le soleil ou la mi-ombre et nécessite une bonne quantité d’eau. Ce n’est pas un bon choix pour les jardins arides. Comme la floraison intervient vraiment à l’automne, il faut que les conditions météorologiques aient été favorables pour produire des plumeaux aussi abondants.
Le feuillage varie d’une sélection à l’autre. Il est généralement retombant, comme chez l’herbe de la pampa. Le bord des feuilles en lanières est tranchant. ‘Gracillimus’ est un cultivar classique dont les feuilles sont particulièrement étroites. ‘Variegatus’ est joliment strié de crème. ‘Zebrinus’ est unique en son genre avec ses rayures jaunes tandis que ‘Graziella’ a la particularité de prendre des teintes rouges à l’automne. Il y a aujourd’hui un vaste choix.
On peut intégrer ces grandes touffes de diverses manières au jardin. Dans les parterres de vivaces elles peuvent constituer un bon fond, quasiment une haie pour mettre en valeur les fleurs. Un ou deux plants isolés apportent une envolée légère dans un jardin plus formel. Dans des schémas plus contemporains, inspirés notamment par Piet Oudolf, on tendra a les planter par vagues entières.
Si ces graminées sont glorieuses à l’automne, elles gardent tout leur attrait en hiver, quand les chaumes sèchent et prennent des tonalités or, ou quand la neige ou le givre les métamorphose. Les tailler avant l’hiver (ce que je vois souvent), me paraît un non-sens.
En revanche, en mars, il convient de tailler les touffes à ras. Les tiges auront séché sur pied et peuvent passer dans la broyeuse. Ceci vous donnera un matériel de paillage d’excellente qualité. Riche en silicium, se décomposant lentement et retenant bien l’humidité, ce mulch est supérieur à la paille. Je l’utilise par exemple pour pailler les fraisiers. La moelle des tiges est riche en protéines, faisant du Miscanthus un bon fourrage. La plante commence à être largement utilisée en permaculture.
On utilise aussi de plus en plus une variété hybride géante du Miscanthus, Miscanthus x giganteus, pour faire du combustible durable. Poussant jusqu’à 4m de haut en une saison, il sèche sur pied et peut être récolté et hâché pour alimenter une chaudière adaptée. La plante séquestre plus de CO2 dans ses racines qu’il n’en émet lors de sa combustion. Un champ planté de cette graminée peut rester en place de nombreuses années.
Au Japon, où il pousse sauvage un peu partout, le Miscanthus est utilisé pour faire de magnifiques toits de chaume de grande épaisseur. Les herbes sèches sont récoltées et réunies en fagots à poser tels quels sur les toits. Cette utilisation remonterait à la civilisation Jômon, il y a 10.000 ans. Quand les chaumes sont à remplacer on les disperse sur les champs comme engrais. Ces ravissantes maisons se visitent à Shirakawago dans les Alpes japonaises.
Étant un colonisateur pionnier des terrains volcaniques, la graminée aurait joué un rôle capital dans l’écologie du Japon. Ses rhizomes profonds parviennent peu à peu à effriter la lave et la biomasse produite à fini par constituer un substrat sur lequel les forêts ont pu s’établir …après des milliers d’années.
L’engouement pour les graminées est relativement récent chez nous. Un voyage au Japon remet les choses en perpective.