Une année en sous-bois

Une nouvelle année est le moment de remettre les choses en perspective, de revenir sur les souvenirs de l’année écoulée. La nature, en évolution permanente, a son calendrier. Après avoir présenté ces dernières années le calendrier du jardin, du potager, de la prairie fleurie et de l’étang, voici celui du sous-bois. Ce milieu délicat, partiellement naturel et partiellement enrichi de plantations, change subtilement au fil des mois. L’ entretenir et favoriser sa diversité est très satisfaisant.

Janvier

La première bonne surprise de la nouvelle année est la sortie des perce-neige! Dans certaines régions, notamment en Ecosse, ces petits bulbes sont indigènes et couvrent des surfaces considérables. Chez moi, il a fallu les planter. Mon père était grand planteur de perce-neige et j’ai suivi son exemple. Le meilleur système est la plantation “en vert”, en divisant des touffes existantes dès la fin de la floraison. Certaines variétés se ressèment et/ou se multiplient par bulbilles beaucoup plus vite que d’autres. Ici, il s’agit de Galanthus nivalis traditionnels, avec leurs feuilles bleutées étroites.

Plantez au pied des arbres en lisière, dans un bon humus et une litière de feuilles. Les bulbes percent dès début janvier si l’hiver est doux. Le pic de la floraison attendra peut-être les premiers jours de février.

Février

Vinca minor est la petite pervenche, prête à fleurir dès que le soleil touche le sol sous les arbres dépouillés. Ce couvre-sol au feuillage persistant vert foncé est indigène en Europe et on en trouve fréquemment dans les sous-bois. La floraison est longue et bénéficie à de nombreux insectes. Si en février, seules quelques petites fleurs bleu violet sont ouvertes, elles deviendront très nombreuses en avril/mai. La pervenche forme un joli tapis, même tout à fait à l’ombre.

Si la pervenche est présente, vous pouvez la favoriser en éliminant la concurrence autour d’elle: les ronces, les semis d’arbres et les branchages. Pour l’introduire on trouve facilement des plants dans le commerce, y compris de la variété à fleur blanche. La croissance est rapide et volontaire.

Mars

Un des moments les plus réjouissants pour se promener en sous-bois est la floraison des anémones des bois, Anemone nemorosa. Avec son feuillage fin comme du persil et ses petites fleurs simples qui s’ouvrent au soleil, c’est une vivace de charme. Elle attire d’ailleurs les gros bourdons et même les premières abeilles si la température le permet. L’anémone Sylvie, comme on l’appelle également, se propage par des rhizomes fins et denses et finit par former de grands tapis. Il lui faut un sol neutre à acide. Elle doit également se propager par graines car j’en retrouve dans tous mes parterres, ce qui n’est pas pour me déplaire. En effet, après nous avoir offert ce magnifique spectacle, la gracieuse anémone disparaît complètement sous terre jusqu’au printemps prochain.

Vous pouvez l’acheter en pots à moins qu’une âme soeur ne vous en déterre quelques rhizomes.

Avril

Tout le bois sent l’ail à distance; l’ail des ours est en fleur. Ici nous avons affaire à un bulbe, de forme irrégulière, qui se mange comme de l’ail. Avant même la floraison, on récoltera les jeunes feuilles vertes, délicieuses dans les potages, les salades ou en pesto pour accompagner les viandes et les pâtes. L’ail des ours est indiscutablement la meilleure plante comestible de nos sous-bois. De surcroît, elle a de nombreuses vertus pour la santé. Le seul problème, c’est que quand on en a un peu, on en a vite beaucoup trop. La plante est extrêmement envahissante et, si la situation lui plaît, un fonds de bois riche et bien humide par exemple, elle ne laissera pas un centimètre inoccupé.

Le fleurs blanches, commestibles elles aussi, laissent la place à de très nombreuses graines noires qui se ressèment tout autour et trouvent leur chemin jusqu’à vos parterres. La première année, une petite feuille apparaît. Ensuite cela va très vite. Si l’ail des ours n’est pas naturellement présent chez vous, réfléchissez avant de l’introduire…

Mai

Par contre, je recommanderais à tous ceux qui ont un bout de bois propre et tapissé de feuilles d’essayer d’introduire les jacinthes des bois, Hyacinthoides non-scripta. Il faudra plus de dix ans pour obtenir le résultat ci-dessus car la jacinthe des bois est une colonisatrice lente, mais quelle satisfaction! Ces charmantes fleurs violettes, caractérisées par leurs fleurs penchées (contrairement aux scilles cultivés dans les jardins), créent de véritables tapis bleus que l’on peut voir en Angleterre, mais aussi dans l’ouest de la France et sur certains sites en Belgique. Il s’agit effectivement d‘une plante aimant le climat océanique.

On peut procéder en plantant des bulbes qui fleuriront rapidement mais ce sera un travail fastidieux. Semer des graines à la volée permet de couvrir une surface nettement plus grande, mais il faudra attendre plusieurs années avant la première floraison. Une fois que l’on a des fleurs, la propagation par graines est rapide.

Juin

Il n’y a pas de vide dans la nature! Une clairière laissé par la coupe d’un grand arbre est aussitôt couverte par l’herbe à Robert, Geranium robertianum. Il s’agit effectivement d’un géranium sauvage, à toute petite fleur rose, très commun dans l’hémisphère nord. Aimant les sols riches et un peu de soleil, cette plante apparaît spontanément, atteint une cinquantaine de cm de haut et fleurit longuement. Si besoin est, elle s’arrache facilement (en dégageant une odeur peu agréable), car ses racines sont superficielles. Elle a le mérite d’occuper joliment le terrain avant de disparaître à l’automne.

Quelques digitales complètent le tableau. Semées au départ, elles se ressèment au hasard ou bon leur semble. Comme il s’agit d’une bisannuelle, l’important est de ne pas éliminer les petits semis de la première année par un nettoyage intempestif.

Juillet

Les belles floraisons de printemps sont terminées, alors on se tourne vers les plantes de sous-bois omniprésentes mais nettement moins désirables, notamment les ronces. Le roncier fleurit sur une longue période, jusqu’à vers mi-juillet, et constitue une ressource mellifère précieuse à une saison où les fleurs se font rares. La ronce supporte la sécheresse a présente donc l’avantage de pouvoir se développer sous de grands arbres même en été.

Je ne vais pas préconiser d’introduire ces ronces épineuses et envahissantes dans son bois. Par contre, si elles sont présentes, veillez à leur réserver un emplacement où elles ne dérangeront personne au lieu de chercher à les éradiquer complètement. Vous aurez fait une bonne action pour les abeilles qui les butinent, les oiseaux qui mangent les mûres et toute la petite faune qui se cache sous les feuilles.

Août

Août est un mois de transition. Les conditions n’ont pas même été favorables aux champignons.

En bordure du bois, près de l’étang, les persicaires sont en fleur. Très populaires pour l’instant pour leur facilité de culture et leur longue floraison, les Persicaria sont des vivaces très utiles. Leur feuillage couvre bien l’espace, limitant les adventices. Les épis floraux, fins et légers, ne sont pas tape-à-l’oeil et s’intègrent bien dans une ambiance naturelle. Au mois d’août, cette petite note de rouge est très appréciable.

Septembre

Semblant sortir de nulle part, les cyclamens sont tout à coup en fleurs. Cyclamen hederifolium fleurit effectivement à la fin de l’été, avant l’apparition des feuilles. Violettes ou blanches, elles sont pleines de grâce et se plaisent dans le tapis de feuilles des grands arbres. Dans certaines régions elles sont spontanées, dans d’autres il faut les introduire. On les achète en pot en fleur ou bien on achète leurs gros cormes plats au printemps. Une fois que l’on a réussi à implanter quelques spécimens, les cyclamens se répandent plutôt volontiers. Ils ont un équipement étonnant pour ce faire. Les semences, de la taille d’un noyau de cerise, poussent enroulés dans un véritable ressort végétal. A maturité, elles seront littéralement catapultées loin de la plante mère.

Octobre

L’automne est bien là et l’ambiance a changé sous les arbres. C’est la saisons des semences pour commencer un nouveau cycle. Au pied du châtaignier, les cosses des châtaignes s’accumulent. Ils y a des provisions pour les écureuils et autre faune.

Novembre

Les feuilles des hêtres virent à l’or. Dans la litière, les arums déroulent leurs feuilles élégantes qui braveront l’hiver. Arum italicum est indigène en Europe et apparaît dans les bois humifères. Les feuilles en pointe de flèche peuvent être plus ou moins marbrées. Ayant une sorte de tubercule, cette petite plante survit sous terre l’été quand il fait sec et sombre dans le bois. Dès l’automne elle se pointe, formant une belle spathe florale au printemps, puis une grappe de fruits rouges vénéneux.

Arum italicum se répand sans être envahissant. S’il n’est pas présent chez vous, achetez-en quelques pots à installer comme couvre-sol d’ombre. Malgré leur apparence délicate, les feuilles tiennent bien en vase. Je les utilise souvent dans les bouquets de printemps pour mettre en valeur des jonquilles par exemple.

Décembre

Après les fleurs, les feuilles des cyclamens sont sorties et forment de beaux groupes. Ce cyclamen qui fleurit à l’automne s’appelle Cyclamen hederifolium où à feuille de lierre. Si la forme peut rappeler le lierre, cela ne fait pas justice aux magnifiques marbrures qui ornent ces feuilles de cyclamen. Chaque plante se distingue de sa voisine par des différences de tons et de marques. C’est un plaisir à admirer ou à disposer sur la table de Noël.

Avoir un bout de bois ou un parc est un grand luxe et un bonheur. Je ne me lasse jamais de la promenade et observe toujours du nouveau. Soigner le sous-bois pour en augmenter l’intérêt et la diversité apporte de grandes satisfactions … après des années de patience!

J’ai traité certaines de ces plantes très en détail dans des billets des années précédentes. Vous pourrez les retrouver dans la rubrique Sommaire de la page d’accueil du site.

Meilleurs voeux et bon jardinage en 2025!

Précédent
Précédent

Le bambou sacré qui n’est pas un bambou

Suivant
Suivant

Le Micanthus,une graminée aussi utile qu’élégante