Le bambou sacré qui n’est pas un bambou
L’arbuste asiatique Nandina domestica est une joie en hiver, colorant le jardin par ses belles baies rouges et son feuillage flamboyant. C’est d’ailleurs un des rares persistants dont les feuilles virent de couleur. En Chine, on utilise les baies pour le Nouvel An . Je fais de même en Italie, où elles offrent une excellente alternative aux houx. La sélection ‘Richmond’ se distingue par une fructification particulièrement abondante, favorisée encore par le soleil. Ce petit jardin à front de rue dans le sud de l’Italie en fournit un exemple impressionnant.
Les longues grappes de baies sont idéales pour les décorations. Je les ai combinées à des brins de santoline et des narcisses Paperwhite (Narcissus totus albus) que l’on force à l’intérieur dans les nord mais qui résistent en pleine terre en Méditerranée. Leur parfum puissant remplit la pièce. L’ambiance est bien différente du houx et du sapin…
Nandina domestica a été introduit en Europe vers 1800 à partir du Japon. Le nom de Nandina est une latinisation du nom japonais et domestica veut dire ‘de la maison’. Au Japon en effet, l’arbuste est planté devant les maisons, même si l’espace est réduit au minimum comme sur les trottoirs en ville où on le voit en terre ou en pot. C’est du plus bel effet.
Heureusement, ce genre supporte des conditions assez extrêmes et résiste à la pollution.
Pour les japonais, il s’agit avant tout d’un symbole puissant de protection et de purification de la maison. C’est sans doute pour cette raison que l’on connaît cette plante sous les noms communs de bambou sacré, bambou céleste ou de la félicité.
Notre plante n’a pourtant rien d’un bambou et heureusement. Elle fait partie de la famille des berbéridacées, tout comme le Berberis bien sur, mais aussi le Mahonia. Cela peut paraître étonnant mais, à observer de plus près, il y a des points communs. J’ai rapproché ici les jeunes feuilles cuivrées splendides d’un Nandina et d’un Mahonia. On remarque les feuilles composées et les folioles opposés, lisses chez Nandina et épineuses chez Mahonia.
De plus, les deux plantes ont tendance à produire de la base de nombreuses tiges ligneuses dépourvues de feuilles. Le Nandina ne pousse pas en hauteur mais développe de nouvelles tiges de la base. Il ne faut pas le tailler. Si une tige est faible ou gênante on la supprimera à la base, stimulant de nouvelles pousses.
Les inflorescences se composent de petites fleurs blanches au coeur jaune vif. Elles apparaissent en principe de juillet à septembre mais la floraison peut intervenir plus longtemps, parfois même lorsque les baies sont déjà mûres. Les baies passent du vert au cuivre avant de devenir bien rouges en hiver. Elles ont malheureusement toxiques pour les oiseaux mais ceux-ci ont l’air de la savoir en ne les touchent pas (au contraire du houx, souvent dépouillé par les merles avant Noël). En dehors de l’Europe, la plante est cependant parfois répertoriée comme invasive.
L’espèce de base, Nandina domestica, forme un arbuste d’un bon mètre cinquante dont dont les fleurs et les baies sont l’attrait principal. Il y a par ailleurs des sélections plus basses, qui ne produisent ni fleurs ni fruits, mais sont tout à fait remarquables pour leur coloration en toute saison. Le grand classique du genre est ‘Fire Power’, flamboyant comme son nom le dit. Il se plante au soleil ou même au pied d’un arbre. Les architectes de jardin ont récemment découvert son potentiel pour former des haies basses et compactes car on peut le tailler.
Dans un espace public au bord du Lac Majeur, ‘Fire Power’ est utilisé comme couvre-sol au pied de palmiers. L’effet est coloré et surprenant. Du point de vue de l’entretien c’est certes efficace: peu ou pas d’arrosage car la plante supporte la sécheresse, pas de taille et pas de désherbage. Le choix est indiscutablement plus écologique que les parterres de bégonias, de géraniums ou de sauges rouges du passé et qui nécessitaient un repiquage annuel et un arrosage permanent. Par contre, c’est au moins aussi tape-à-l’oeil!
Vu la facilité de culture du bambou sacré et sa résistance à la sécheresse, critère appréciables de nos jours, les horticulteurs commencent à proposer de nouveaux cultivars à feuillages exceptionnels. Un des plus remarquables pour l’instant est Nandina domestica ‘Obsessed’ dont les feuilles élégantes sont colorées toute l’année, variant du rose au printemps au rouge en hiver. L’arbuste n’atteint que 70 cm et se tient bien droit. Il s’intègre facilement dans les parterres.
D’autres créations sont plus ou moins heureuses: ‘Twilight’ au feuillage qui a l’air d’avoir été aspergé de diverses couleurs, ‘Brightlight’ d’un jaune lumineux et ‘Filamentosa’. Ce dernier, plus une curiosité qu’un coup-de-coeur, a les folioles les plus fins, roses au printemps, verts en été puis pourpres en automne. Il y a bien d’autres choix encore, difficiles à trouver si ce n’est en ligne.
Voici une fois de plus un candidat idéal pour le jardin de ville: de dimension réduite, persistant mais coloré, intéressant toute l’année et particulièrement l’hiver, supportant les sols pauvres et la sécheresse, ne nécessitant pas de travail…
C’est une campagnarde indécrottable qui vous l’assure!