La beauté hivernale des écorces
L’arbre iconique de l’hiver est sans conteste le bouleau, son écorce blanche reflétant la neige. On rêve des vastes forêts russes mais ici nous sommes dans les Hautes Fagnes en Belgique. Sur le sol acide et pauvre on trouve des populations naturelles de bouleaux, notamment du bouleau pubescent, Betula pubescens.
Cette ambiance peut-être reproduite aisément dans un parc comme ici, en Ecosse, dans l’étonnant Garden of Cosmic Speculation. La plantation très rapprochée du bouleau particulièrement blanc Betula utilis ‘Jacquemontii’ est visuellement très efficace.
Comme arbre de position, il peut-être intéressant d’opter pour un spécimen multi-troncs. Ce n’est pas nécessairement facile à trouver car on a tendance à vous vendre des baliveaux. Avec l’âge, le résultat peut être splendide, comme ce bouleau d’Erman, Betula ermanii, à l’Arboretum de Kalmthout. L’espèce est originaire du nord de l’Asie. Le fond de persistants sombres le met particulièrement en valeur.
Avec leurs vieilles écorces qui se détachent en lambeaux, révélant une nouvelle peau lisse et colorée, les bouleaux sont le premier choix du jardin d’hiver. De très beaux cultivars ont été développés spécifiquement pour la couleur de leurs écorces.
Betula nigra ‘Heritage’ dévoile un tronc saumon sous les pelures cannelle. C’est une des plus belles sélections de l’espèce nigra, le bouleau noir, originaire des Etats-Unis.
Betula papyrifera, le bouleau à papier, est un grand arbre également nord-américain. L’écorce blanche, en s’exfoliant, révèle une nouvelle peau cuivrée.
Betula utilis, le bouleau blanc de l’Himalaya, a une belle écorce blanche, particulièrement chez les sélections Jacquemontii ‘Doorenbos’ et ‘Grayswood Ghost’. ‘Jim Russell’, gris violacé, sort du commun.
Tout beau tout nu ou habillé de feuilles de papier, chacun a sa beauté. Betula nigra a plus une tendance à rester habillé, utilis à s’exfolier. On peut évidemment peler les lambeaux de la vieille écorce manuellement (c’est assez satisfaisant et cela amuse les enfants) et même passer un coup de brosse pour éliminer les mousses éventuelles. Dans les jardins anglais qui proposent un winter garden cela se pratique. Ils disposent souvent de grandes équipes de bénévoles qui peuvent s’atteler à cette tâche…
Similaire au bouleau par sa nouvelle écorce parfaitement lisse mais d’une couleur acajou unique, voici un cerisier remarquable en hiver, Prunus serrula. On l’appelle cerisier du Tibet, à ne pas confondre avec le cerisier du Japon, Prunus serrulata, beaucoup plus connu pour ses fleurs abondantes.
P. serrula est unique parmi les cerisiers pour la beauté de son écorce. Le petit arbre est toutefois valable toute l’année avec une floraison printanière précoce et de belles couleurs d’automne.
Outre les bouleaux, beaucoup de petits érables ont des troncs avec des particularités tout à fait remarquables.
Unique en son genre, Acer griseum se prend pour un bouleau! A la lumière du soir, ses fines pelures d’écorce qui s’enroulent tout le long du tronc prennent des couleurs de cuivre. Les branches ressemblent à des bâtons de cannelle et lui valent les noms communs d’érable cannelle ou à écorce de papier.
Certains érables ont des écorces remarquables, véritables oeuvres d’art abstrait. C’est particulièrement vrai des érables dits à peau de serpent. Ils forment de petits arbres assez faciles à cultiver.
Acer rufinerve, un petit arbre multi-troncs originaire des montagnes japonaises, présente une écorce vert olive strié de vert pomme. Le feuillage automnal est rouge orangé. ‘Erythrocladum’ est un cultivar étonnant de cette espèce avec un tronc jaune strié et des couleurs jaunes en fin de saison. ‘Winter Gold’ a un tronc jaune.
Acer pennsylvanicum est, comme son nom l’indique, originaire des USA, et assez similaire à son cousin japonais. Ici aussi nous trouvons un cultivar ‘Erythrocladum’. Ce nom provenant du grec et signifiant à petites branches rouges, qualifie bien l’arbre jeune. En vieillissant le tronc devient plutôt jaune (photo).
Acer davidii, l’érable du père David, provient quant à lui de Chine. On choisit généralement la sélection ‘Serpentine’, bien nommé pour ses stries dont la couleur est variable en fonction de l’âge.
Ce n’est pas tout! Chez les érables on observe d’autres merveilles. Le petit Acer palmatum ‘Shishigashira’, au feuillage d’automne flamboyant, est tout aussi méritoire pour ses branches vertes. Certains autres A. palmatum, comme ‘Osakazuki’, aux jeunes branches rouges,éclairent l’hiver. Un des plus voyants est cependant Acer x conspicuum ‘Phoenix’, tout rouge, photographié dans un parc anglais où il émerge d’un lit de bergénias.
De nombreux artistes se sont délectés à photographier les écorces en gros plan pour des livres d’art. Marbrés, striés, verruqueux, ils révèlent un monde de formes, de textures et de couleurs subtiles dont voici quelques exemples: Parrotia persica, Taxus baccata, Prunus serrulata, Quercus suber, Pinus bungeana (2x), Chorisia speciosa, Taxodium distichum. Il y en a bien sûr bien d’autres que vous pourrez admirer dans les jardins botaniques et les arboretums.
En réalité, la moindre promenade en forêt peut vous récompenser. Notre chêne et notre hêtre indigènes, colonisés par les lichens et éclairés par une lumière d’hiver, n’ont rien à envier à tous ces exotiques.
En observant les arbres nus, les belles surprises ne manqueront pas. La plus belle découverte que j’aie pu faire est la cicatrice en forme de coeur que laissent les feuilles tombées sur le tronc du Paulownia.