La rose de Lady Banks
Rosa banksiae est unique en son genre. Quiconque l’a vue en fleur, cascadant du haut d’un arbre par exemple, n’aura de cesse d’essayer de la cultiver. Cette liane fleurit à point nommé pour Pâques, avant tout autre rose. Demi-persistante et même persistante en climat doux, elle se distingue par sa très grande taille, atteignant plus de 8 mètres, et par ses longs rameaux souples qui, pour notre confort, sont absolument dépourvus d’épines. Des bouquets denses de fleurs toutes petites (2 cm) et doubles peuvent couvrir la plante entière à l’apogée de la floraison.
Pour une fois, il y a un choix très limité dans les roses de Banks. L’espèce sauvage est blanche et simple, Rosa banksiae normalis. Il y a beaucoup de grands rosiers lianes à petites fleurs blanches plus belles, mais celui-ci, rappelez-vous, est inerme, alors que la plupart sont armés jusqu’aux dents. L’équivalent jaune à fleurs simples est R. banksiae lutescens (ce qui veut dire ‘tendant vers le jaune’). Le plus cultivé est cependant lutea, à fleurs jaune pâle très doubles. La plante s’est vue distinguée pour ses mérites horticoles par un AGM (Award of Garden Merit) par la Société royale d’horticulture britannique, toujours un gage de qualité. ‘Alba Plena’ et ‘Purezza’ ont des petites fleurs blanches doubles, très charmantes. Enfin, beaucoup moins courant, il existe une banksiae rose, ‘Rosea’, qui provient probablement à l’origine de l’hybridation d’une rose de Banks avec un rosier de jardin.
Rosa banksiae fut ramenée de Chine en 1807 par le chasseur de plantes britannique William Kerr (dont le Kerria porte le nom). Le grand naturaliste britannique Sir Joseph Banks, directeur du jardin botanique royal de Kew Gardens, l’y avait envoyé en mission. Les jardiniers de Kew baptisèrent la nouvelle rose en l’honneur de la femme de leur patron, ce qui fait qu’en Angleterre elle est connue sous le nom de Lady Banks’ rose. Une nouveauté dans le monde occidental, cette rose était cultivée depuis depuis la nuits des temps en Chine.
Joseph Banks, né en 1743, avait fait le parcours traditionnel de Eton à Oxford où il se passionna surtout pour les sciences naturelles. Avant d’occuper le poste vénérable de directeur de la Royal Society, il connut une vie des plus aventureuses, commençant par une exploration botanique de Terre-Neuve et du Labrador. Il devint réellement célèbre pour sa participation au premier voyage de James Cook sur le navire Endeavour, de 1768 à 1771, voyage qui aboutit à la découverte du mythique contient austral.
En 1770, après une traversée de l’océan pacifique, l’Endeavour atteint la côte est d’une terre inconnue qui deviendra l’Australie. Le navire entre dans un grand fjord où l’équipage débarque, déclenchant des hostilités immédiates avec un village indigène. Terra incognita mais pas deserta! Joseph Banks et les autres scientifiques du voyage découvrent une flore abondante et totalement nouvelle pour eux, à tel point que le Capitaine Cook décide de nommer l’endroit, au sud de l’actuel Sidney, Botany Bay. Ce lieu au nom bucolique inspira toutefois à un projet de sinistre mémoire, prôné d’ailleurs par monsieur Banks. L’eau douce semblant insuffisante et la terre pauvre, les anglais estimèrent l’endroit inapproprié pour la colonisation et décidèrent d’en faire une colonie pénitentiaire. Être envoyé à Botany Bay était l’équivalent d’un envoi au goulag. Il n’y avait pas que les grands crimes qui furent punis; de petits larcins, un lapin braconné, pouvaient entraîner la déportation dans des conditions inhumaines, notamment sur des navires négriers recyclés. Beaucoup de femmes connurent ce sort affreux, les maris pouvant les faire bannir à l’autre bout du monde à la moindre incartade. Cela arrangeait bien les autorités anglaises de peupler ce contient soi-disant vide sur lequel ils avaient mis le pied.
Joseph Banks vécut jusqu’à un grand âge couvert d’honneurs. Il envoya des aventuriers plus jeunes ramener des plantes inconnues pour le collections de Kew, dont notre belle rose. Un genre entier de plantes lui fut dédié, les Banksia, des proteacées australiennes. Il en existe de nombreuses espèces, sous forme d’arbres et d’arbustes, reconnaissables par leur épis floraux très particuliers. L’illustration provient du très beau livre de Sandra Knapp, Le Voyage botanique .