Rugeuses et mal aimées

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Parmi les nombreuses espèces de roses, il y en a une qui est souvent considérée le parent pauvre de la famille, c’est Rosa rugosa. Elle est de fait très distincte des autres rosiers arbustifs. Sous un aspect plus lourd et peut-être plus grossier, elle cache cependant des qualités remarquables. De plus, dans certaines situations et conditions climatiques, c’est la seule rose qui puisse se développer avec bonheur. Je voudrais donc vous inciter à apprécier davantage ces belles rugueuses..

L’espèce est originaire des zones côtières septentrionales de l’est asiatique, comprenant le Japon, la Chine, la Corée et même la Sibérie. En conséquence on l’appelle parfois rose du Japon et les anglais la nomment Beach Rose. Nous touchons ici aux premières de ses qualités: une grande résistance au froid, une adaptation aux sols sablonneux et une bonne tolérance aux embruns.

Le nom de rugosa vient de l’adjectif latin rugosus qui veut dire ridé. Cette espèce de roses se reconnaît en effet essentiellement à son feuillage gaufré aux nervures marquées. Ce feuillage est vert vif, un peu luisant, jamais bronze au débourrage comme c’est le cas pour beaucoup de rosiers. Il est très dense, coriace et surtout… sain! La rouille ne semble pas l’affecter. Ce n’est pas un favori des chenilles qui chercheront ailleurs des feuilles tendres à se mettre sous la dent.

Vous constaterez aussi que les sépales sont longs et dépassent le bouton, lui donnant un aspect allongé élégant.

Outre un feuillage à toute épreuve, les arbustes de ce groupe sont redoutablement armés d’aiguillons, tant sur les jeunes pousses que sur le vieux bois. C’est leur côté hostile et moins sympathique. En revanche, pour des plantations en haies dissuasives ou en pleine campagne, cette protection est un grand atout. J’ai appris pour ma part appris à apprécier ces grands arbustes à une époque où des chevreuils audacieux visitaient le jardin et venaient nuitamment jusqu’au pied de la maison brouter avec délicatesse tous les boutons des rosiers quelques jours avant leur éclosion: une confiserie de choix apparemment. Les rosiers rugosa étaient les seuls qu’ils dédaignaient. J’ai fini par clôturer tout le jardin malgré tout …

Ce type de rosier forme en peu d’années de grands arbustes denses, garnis de bas en haut, atteignant facilement 1.50 m à 2 m. Chose très inhabituelle pour un rosier sauvage, l’espèce est bien remontante, fleurissant de manière répétée de mai à l’automne. Les cultivars qui ont été produits conservent évidemment cette qualité. La plante produit continuellement de nouvelles grappes de bourgeons au-dessus des anciennes. Au cours de l’été, les cynorhodons se développent à la place des fleurs fanées, de sorte qu’à l’automne on trouve des baies et des fleurs sur la même plante. Le feuillage se teinte joliment de jaune avant la chute des feuilles.

Un autre atout majeur de ce type de rosier est qu’il ne nécessite pas de taille. Au printemps, il faudra tout au plus supprimer au pied les branches mortes s’il y en a et raccourcir quelques rameaux si on le juge vraiment nécessaire. Durant la saison, on laissera le développement suivre son cours.

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Les cynorrhodons de Rosa rugosa ont une forme arrondie, les faisant ressembler davantage à de petites tomates appétissantes qu’à des baies de rosier. Elles sont une source très concentrée de vitamine C et entrent dans la préparation de confitures, de décoctions et de tisanes dont vous trouverez facilement des recettes. La seule opération fastidieuse est de retirer les graines et les poils urticants que contient le fruit: le fameux poil-à-gratter.

Les pétales des rosiers rugosa sont particulièrement fines, comme de la soie, contrastant avec l’épaisseur du feuillage. La qualité la plus surprenante de ces roses, qui les rend particulièrement attachantes, est cependant l’intensité de leur parfum. ‘Parfum de l’Haÿ’ en est un bel exemple.

L’espèce sauvage présente une grande fleur rose vif, simple, plate, avec des étamines voyantes. De nombreux cultivars ont été créés au fil du temps, déclinant les fuchsia, carmins, cramoisis ou pourpres. ‘Scabrosa’ présente une belle fleur fuchsia semi-double, ‘Frau Dagmar Hastrup’ est simple et rose pâle, ‘Mrs Anthony Waterer’ est même rouge. Une des plus belles aux fleurs pourpres sombre et au parfum puissant et volatil est le très grand arbuste ‘Roseraie de l’Haÿ’. Il est nommé pour une roseraie dans le Val-de-Marne, créée à la fin du 19è siècle qui, avec 3000 espèces, est une des plus importantes collections de roses anciennes au monde.

Parmi les sélections blanches, Rosa rugosa ‘Blanc Double de Coubert’ est une valeur sûre, relativement courante. Bien que double, les étamines restent voyantes et accessibles aux butineuses. R. rugosa ‘Fimbriata’ est une des plus charmantes, avec des fleurs à bords frangés, ressemblant à des oeillets. Elles s’ouvrent rose pâle et virent au blanc en vieillissant. Celle qui m’impressionne le plus chaque année est le vigoureux arbuste ‘Polareis’ (parfois appelé ‘Ritausma’). Il porte d’innombrables grappes de grandes fleurs doubles blanches teintées de rose pâle, avec une note subtile de vert pâle dans le bouton. Cette rose a été créée en 1963 en Lituanie par le rosiériste Rieksta, c’est dire qu’elle ne craint pas le froid…

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Le jaune n’est pas la couleur des rugosa. Il en existe cependant une très belle au nom tout simple de ‘Agnès’.

Un groupe un peu distinct dans les rugosa comprend les rosiers Grootendorst, du nom du rosiériste qui les introduisit aux Pays-Bas dès 1918. Leur caractéristique est de former de beaux bouquets de petites fleurs doubles et frangées, ressemblant à de petits oeillets. On peut en faire de charmants bouquets parfumés (à conditions de les cueillir avec des gants car ces très grands arbustes sont aussi épineux que le type). ‘F.J.Grootendorst’ est rose cramoisi, presque rouge. Ensuite, ‘Pink Grootendorst’ et ‘White Grootendorst’ ont été ajoutés à la série.

A me lire vous penserez que les rosiers rugosa ont toutes les qualités. Il faut malgré tout que je trouve un défaut ou deux à ces merveilles.

Le premier problème vient du côté des écologistes. Ils mettent en garde contre le côté invasif de cette rose dont l’habitat naturel est la dune. Elle serait capable de s’échapper des jardins pour partir coloniser les bords de plage, au détriment d’une flore locale fragile.

Le deuxième point négatif que j’observe dans mon propre jardin est que ces magnifiques floraisons supportent très mal les grands orages d’été. Les fleurs doubles aux pétales si translucides et délicats sont réduites à des torchons mouillés après une grosse pluie pour ensuite pourrir et se dessécher sur la plante. Un spectacle désolant! C’est à mon sens le seul défaut de tant de qualités … sauf si vous craignez une épine dans le doigt.

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