L’or est d’ouest, le rouge est d’est.
Pour des couleurs rouge feu à l’automne il faut chercher plus loin que nos arbres européens.
Que ce soient les chênes, les tilleuls, les charmes, les bouleaux ou les peupliers, les arbres de nos forêts d’Europe occidentale se parent d’or. Si par contre l’on veut introduire le rouge dans son paysage il faudra faire appel aux exotiques quoiqu’en pensent les ayatollahs de l’indigène. Les couleurs de feu se trouvent dans l’hémisphère nord, dans les forêts des côtes est des Etats-Unis et de l’Asie; Nouvelle Angleterre, Chine, Corée et Japon. Heureusement rien n’empêche de recréer chez soi un coin évoquant le Maine ou Hokkaido.
J’ai fait appel à Philippe de Spoelberch, éminent spécialiste des arbres, pour l’explication scientifique du phénomène. Peu avant que les feuilles ne se détachent, les molécules de chlorophylle (vertes) sont évacuées des feuilles et les pigments sous-jacents apparaissent. Les carotènes, qui donnent la couleur jaune, sont présentes dès le printemps. En revanche, les anthocyanes, qui produisent les couleurs rouges, se forment sous l’effet de la chaleur des journées d’automne, à partir de sucres accumulés dans les feuilles. Pour que ces pigments rouges se forment il faut idéalement la combinaison des nuits froides et de journées chaudes. Les couleurs rouges appartiennent en conséquence aux régions qui bénéficient de l’été indien. Introduits dans nos climats maritimes instables, ces essences importées peuvent varier en coloration d’une année à l’autre, voire d’un spécimen à l’autre.
Parmi les arbres américains, le Liquidambar a certainement un des feuillages les plus spectaculaires à l’automne, de nombreuses tonalités se trouvant sur le même arbre et chaque arbre ayant ses particularités. L’essence doit son nom à sa résine parfumée, évoquant l’ambre liquide, utilisée par les tribus indigènes. Il en existe diverses sélections dont une forme arrondie, ‘Gumball’, ici à l’Arboretum de Wespelaar, et une forme colonnaire, ‘Slender Silhouette’. On voit souvent Liquidambar styraciflua planté comme ornement dans les jardins de ville. Prudence toutefois: il peut atteindre la taille d’un grand chêne à maturité!
Les érables sont bien représentés outre-atlantique, notamment Acer saccharum, dont la feuille est l’emblème du Canada et qui produit le fameux sirop. Il colore bien à l’automne. D’autres beaux grands érables peuplent ces forêts, dont Acer saccharinum et Acer rubrum. De nombreux cultivars ont amélioré leurs qualités horticoles et en font de magnifiques arbres de parc: Acer rubrum ‘October Glory’ ou ‘Autumn Blaze’ par exemple. Sur la première photo, Acer x freemanii est un croisement de rubrum et de saccharinum, avec un feuillage de taille moyenne. Sur la deuxième voit Acer rubrum ‘Schlesingeri’. Tous deux sont des exemples de la collection de Philippe de Spoelberch.
Un arbre américain un peu moins grand et moins connu est le Nyssa sylvatica. Il est magnifique en solitaire grâce à son tronc bien droit et son port symétrique, les branches perpendiculaires au tronc. Il est particulièrement mis en valeur ici, au golf du Ravenstein, grâce à l’arrière plan de conifères. Vous pouvez apercevoir un deuxième spécimen à gauche qui n’a pas encore commencé sa coloration alors que le premier est déjà en feu.
Par une fin d’après-midi limpide de novembre, sans une ride sur l’eau, on voit à droite le rouge vif de Nyssa sylvatica ‘Sheffield Park’, tandis que la version pleureuse, ‘Autumn Cascade’, se reflète dans l’étang. A gauche, la belle tache de couleur est fournie par un sorbier peu courant, Sorbus randaiensis, originaire de Taiwan. Passons donc sur les rives asiatiques, même si la liste des beautés américaines est encore longue, dont de nombreux chênes remarquables, Quercus rubra et Quercus palustris par exemple.
Les rois de l’automne japonais sont bien sûr les cerisiers et les érables. Il y a d’ailleurs un débat entre ceux qui préfèrent le Japon au printemps et les inconditionnels de l’automne. Beaucoup de cerisiers se parent de magnifiques feuillages. Ici, Prunus serrula s’enflamme dès le mois d’octobre et vole la vedette quand le reste du jardin est encore vert. Moins intéressant pour sa floraison il tient un bel atout pour l’hiver; une écorce acajou luisant remarquable.
Rien ne surpasse cependant la grâce et la délicatesse des érables japonais, les innombrables sélections d’Acer palmatum en particulier. Leur port gracieux, leurs feuilles délicatement découpées et leur taille réduite en font des candidats parfaits pour les jardins de ville, les bacs de plantation et même les bonsaï. Acer palmatum ‘Atropurpureum’, ‘Garnet’, ‘Osakazuki’ , ‘Senkaki’ et ‘Orange Dream’ des classiques qu’offrent la plupart des pépiniéristes. Ici, A. palmatum ‘Nicholsonii’ chez Philippe de spoelberch, un cultivar de collectionneur.
N’abusez pas des bonnes choses! Pour créer une ambiance japonaise, une touche de rouge au milieu de beaucoup de vert peut susciter plus d’émotion qu’un feu d’artifice. Sur la première image, le vieil Acer palmatum dissectum en parasol de l’arboretum Kreeftenbroeck. Il est réputé de croissance extrêmement lente mais les générations futures vous sauront gré de l’avoir planté!
Un petit échantillon parmi tant de merveilles: A. palmatum ‘Red Autumn Lace’, A. griseum, A. palmatum ‘Katsura’ et A. shirasawanum.
L’arrière saison vous invite à la promenade. Faute de pouvoir sillonner le monde à la poursuite du rouge cette année, découvrez les magnifiques parcs et arboretums de Belgique: le Jardin botanique de Meise, les arboretums de Tervuren, de Kalmthout, de Wespelaar entre autres. Comment ne pas se ressourcer au milieu de tant de beauté?
Le charme est au rendez-vous dans le jardin et arboretum de la Fondation Kreeftenbroeck à Rhode-St-Genèse. Ouvert dans le cadre de l’association Jardins Ouverts de Belgique asbl.
Spectaculaire tant au printemps qu’à l’automne, l’arboretum de Wespelaar fut créé par Philippe de Spoelberch pour héberger sa vaste collection de végétaux ramenés des ses voyages dans le monde entier. Vaut le voyage!