Mignonnes, les sauvageonnes
Il n’y a pas une feuille sur les arbres et, lors de nos promenades en forêt, distraction principale cette année encore, il n’y a rien à voir au-dessus de nos têtes. La magie est sous nos pieds. Le soleil de mars illumine les sous-bois et une flore charmante y prospère: anémones, violettes, pervenches et ficaires. C’est le moment d’apprécier ces sauvageonnes et, si on a un peu de sous-bois chez soi, de favoriser ou ou de recréer ces jolies scènes printanières.
L’anémone des bois ou anémone sylvie peut former de vastes colonies, déroulant un véritable tapis de fleurs blanches sous les arbres. Cette petite renonculacée au feuillage délicat s’appelle Anemonoides nemorosa (syn. Anemone nemorosa) en latin. Anemos, c’est le vent en grec ancien; elle est donc fille du vent car ses semences volent au loin. Nemorosus, vient du latin et signifie ‘des bois’, comme sylvie d’ailleurs. La plante a de solides racines rhizomateuses qui forment une trame dense, occupant le terrain. Les fleurs sont généralement blanches mais peuvent être teintées de rose ou de violet, surtout à l’envers des pétales. Si ses étamines chargées de pollen attirent des nuées de pollinisateurs, elle n’est pas du tout aussi bénéfique pour la gent humaine, étant même très toxique.
L’habitat favori de l’anémone est un sous-bois lumineux sous les feuillus, avec un épais tapis de feuilles mortes. Elle sortira de terre comme par miracle à chaque printemps pour entrer en dormance et disparaître complètement l’été. Une fois présente dans son jardin, elle se mettra à vagabonder à sa guise, apparaissant dans tous les parterres. Elle a une prédilection pour les parterres paillés avec des copeaux. Je n’ai aucun problème à l’accueillir, d’autant plus qu’elle comble les vides de la saison. Elle s’est par exemple invitée dans un parterre où je cultive des tulipes entre des népétas. Les tulipes fleurissent en avril et les népétas prennent la relève à partir de juin. Les anémones y ont ajouté leur floraison dès mars, améliorant nettement la combinaison que j’avais imaginée.
La troisième fleurette, qui cohabite volontiers avec les précédentes, est la ficaire, Ficaria verna. Vernus veut dire printanier en latin et fica est du bas latin pour figue. C’est là que les choses deviennent plus amusantes. La plante produit en effet de nombreux petits bulbilles en forme de figues ou … de petites couilles. D’où son nom vernaculaire dans de nombreuses régions françaises: ‘couilles de prêtres’. Je n’invente pas, mais je me donne beaucoup de mal pour vous faire retenir les noms botaniques!
Toujours est-il que cette petite plante tapissante a tendance à envahir les parterres et que ses étoiles jaune vif, s’ouvrant au soleil, ne sont pas nécessairement dans votre gamme de couleurs. Il vaut mieux les apprécier car, en essayant de les déterrer, il y aura toujours l’un ou l’autre bulbille qui vous échappera et perpétuera la plante. La ficaire est éphémère et disparaît complètement après la floraison. Même si son petit feuillage rond est luisant est appétissant, la plante est toxique, comme beaucoup de renonculacées qui veulent éviter d’être broutées. Certaines sélections de jardin ont été développées mais s’adressent à un public limité.