Le sureau, aussi bon que beau

Les grands arbustes de sureau sont un spectacle si commun en juin qu’on ne s’arrête même plus pour les admirer. Les cornouillers du Japon, les Deutzia et les seringats, en fleur à la même saison, ont davantage nos faveurs. Pire, agriculteurs et jardiniers suppriment de gaieté de coeur les jeunes plants de sureau qui naissent sur le pourtour de leurs champs ou de leurs jardins. Pourtant, cet arbuste qui étale ses larges corymbes blancs au soleil de manière aussi régulière et harmonieuse, est digne d’admiration et mérite d’être protégé.

Sambucus nigra est une plante indigène de la plus grande partie de l’Europe et de l’Afrique du Nord. C’est une plante nitrophile, indiquant donc les sols riches en azote. On la trouve dans les sols riches, souvent en compagnie de plantes peu sympathiques comme les ronces et les orties…

S’il porte le nom de sureau noir, c’est en référence aux grappes de magnifiques baies noires et luisantes qui apparaissent à l’arrière saison. Les oiseaux en sont particulièrement friands et sont responsables de la dispersion des graines. Ceci explique d’ailleurs pourquoi de jeunes plantes naissent spontanément dans les haies et en bordure des bois, lieux que les oiseaux fréquentent volontiers.

Les baies du sureau noir ne font pas que le bonheur des oiseaux. Elles entrent traditionnellement dans de nombreuses préparations dans différents pays: confitures, vins, jus et sirops. Mais attention; elles ne sont pas comestibles crues et doivent absolument être cuites!

Une deuxième espèce indigène en Europe a des baies rouges en grappes, également comestibles cuites mais sans intérêt culinaire. Sambucus racemosa est un arbuste un peu plus petit qui se trouve à plus haute altitude et résiste jusqu’à -25°C. On l’appelle d’ailleurs sureau de montagne ou sureau à grappes pour ses grappes de fleurs blanches dressées.

Les sureaux ont un bois très caractéristique, clair et marqué de points quand il est jeune. Sur de vieux sujets, qui peuvent former de véritables petits arbres; l’écorce devient très belle. Ce bois est très cassant car il est creux, rempli d’une mousse blanche. Les tiges vidées de cette moëlle ont eu de nombreux usages au fil du temps, servant notamment à fabriquer des flûtes rudimentaires dans les campagnes.

Pour ceux qui considèrent le sureau trop ordinaire pour lui laisser une place au jardin, il y a heureusement de très belles sélections horticoles à feuillages intéressants, pourpres ou dorés. Produisant aussi des fleurs et des baies, celles-ci sont particulièrement utiles pour créer des contrastes dans les grands massifs et les haies mixtes. Bien plus faciles à cultiver et moins exigeants que les érables du Japon, ces sureaux peuvent offrir une belle alternative dans les jardins ‘difficiles’.

Dans les pourpres, certains atteignent un ton presque noir, approprié pour un sureau noir. Les fleurs sont roses, formant un joli contraste sur le feuillage sombre. Sambucus nigra ‘Black Beauty’ a les folioles entières mais ‘Black Lace’ , au feuillage découpé comme une dentelle noire, a généralement la préférence des jardiniers. Dans la recherche d’arbustes moins encombrants on a produit un ‘Black Tower’ colonnaire (dernière photo). Les fleurs n’y ont toutefois pas la place de développer de larges corymbes.

Pour un effet plus lumineux, on choisira parmi les belles sélections dorées. Elles ont besoin d’un peu de soleil pour exprimer leur couleur. Ces arbustes portent des fleurs blanches comme le type. Dans l’ordre, Sambucus nigra ‘Aurea’ est le classique à folioles entières. ‘Golden Tower’ est une forme étroite avec des folioles bien jaunes et très découpées.

Viennent ensuite deux cultivars superbes de Sambucus racemosa: ‘Lemony Lace’, une nouveauté, et ‘Plumosa Aurea’. Ces derniers ont l’attrait supplémentaire de leurs belles baies rouge en automne.

Il existe encore une version panachée de crème, répondant au nom prévisible de Sambucus nigra ‘Variegata’. Personnellement, elle me paraît moins intéressante car la floraison pas inaperçue dans la panachure.

Tous ces sureaux peuvent se tailler très fortement au printemps, permettant de maintenir des arbustes vigoureux dans des dimensions acceptables.

Je dois avouer que, mis à part l’espèce sauvage et le magnifique ‘Black Lace’, je ne possède pas tous ces beaux cultivars dans mon propre jardin. J’ai eu la chance de pouvoir les admirer dans des jardins remarquables du Cotentin et suis revenue convaincue de leur valeur. Ouvrez l’oeil car vous en trouverez de très beaux chez les spécialistes et il en viendra de nouveaux encore. Vive les plantes utiles et sans caprices!

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