Le mois des magnolias
La floraison spectaculaire des magnolias dans les parcs et les jardins à partir de mi-mars, quand il n’y a pas encore la moindre feuille sur les arbres, est un moment réellement réjouissant. Nous voyons ici une vue partielle de la collection exceptionnelle de l’Arboretum de Wespelaar, près de Louvain en Belgique, où de nombreux nouveaux hybrides ont été créés et testés. Le genre Magnolia compte de nombreuses espèces, hybrides et cultivars. Beaucoup sont des arbres de collection. Comme et il m’est impossible d’être exhaustive et je me limiterai aux espèces courantes dans les jardins. Vu l’espace qu’un spécimen peut occuper, il faut choisir son arbre avec discernement. C’est donc le moment de visiter les pépinières et les collections.
Le magnolia est un des arbres à fleurs les plus archaïques qui soient et on a trouvé des fossiles de plantes très similaires. L’arbre est cultivé en Asie depuis très longtemps. Toutefois, le premier magnolia à être décrit par un occidental fut découvert en Martinique par un médecin botaniste espagnol en 1570.
Le botaniste Charles Plumier (pour lequel fut nommé le Plumeria, mieux connu comme le frangipanier), dédia le genre à Pierre Magnol en 1703. C’est donc un homme qui se cache derrière le nom si féminin de Magnolia: un français calviniste de surcroît. Né à Montpellier en 1638, Magnol étudia la médecine et la botanique (les deux allaient de pair) à l’université de Montpellier, capitale intellectuelle de l’époque. Il devint directeur du jardin botanique et entra à l’Académie royale des sciences à Paris.
La première espèce décrite fut Magnolia virginiana, provenant des marais de la côte est des Etats-Unis. Il s’agit d’un grand arbre à feuilles persistantes en climat doux, étroites et luisantes. Les fleurs crème dégagent un fort parfum de vanille. On le voit rarement dans les jardins. L’hybride virginiana x tripetala que l’on m’a offert est un petit arbre équilibré dont les fleurs, ci-dessus, apparaissent sur un longue période et sont d’une perfection rare.
Le magnolia a feuilles persistantes le plus connu est Magnolia grandiflora, lui aussi originaire de l’est américain, suivit bientôt. Comme son nom l’indique, il produit de grandes fleurs blanc crème, délicieusement parfumées, qui se succèdent tout l’été. Elles sont suivies de gros fruits contenant les graines, très décoratifs. Le feuillage de ce magnolia est coriace et luisant, couvert d’un feutre roux sur l’envers. Un sol acide à neutre est nécessaire, faute de quoi le feuillage se chlorose et jaunit.
M. grandiflora peut devenir un très grand arbre, jusqu’à 30 mètres, avec une couronne large. En dehors des USA on en voit de beaux spécimens dans les pays méditerranéens. Les italiens en sont particulièrement friands et l’utilisent dans leurs jardins formels, souvent taillés en colonnes, ce que la plante supporte fort heureusement. Plus au nord, il vaut mieux planter à l’abri d’un bâtiment, où on pourra éventuellement le tailler. Une exposition nord convient car c’est surtout l’alternance brutale gel/dégel qui nuit à la plante.
Si vous avez un vieux jardin et qu’un magnolia s’y trouve, il y a toutes les chances que ce soit un Magnolia x soulangeana. Cette montagne rose, croulant sous les grosses fleurs en forme de coupe, a connu un succès sans pareil dans les jardins et les espaces publics depuis le 19ème siècle.
Ici aussi non rencontrons un français, Etienne Soulange Bodin, un officier de la Grande Armée de Napoléon, qui mit à profit sa retraite pour se consacrer à sa passion pour les plantes. C’est ainsi qu’en 1820 il croisa 2 espèces asiatiques, denudata et liliiflora, produisant l’hybride qui lui fut dédié.
Magnolia x soulangeana est de culture facile. Il aime un sol riche et même lourd. Souvent multi-troncs, il devient aussi large que haut. On le voit parfois taillé, ce qui lui enlève tout son caractère. Si on manque d’espace, mieux vaut choisir des espèces naturellement plus petites. Très précoce, cet arbre est saisissant dans le paysage du premier printemps. Il en existe des sélections intéressantes, notamment blanches.
Un des parents de cette bête de concours est donc Magnolia denudata, appelé aussi magnolia Yulan, natif de Chine. Il y était cultivé dans les jardins des temples bouddhistes et même jugé digne du jardin impérial. Elancé, il est sans doute le premier à fleurir, ses fleurs parfumées s’épanouissant en souplesse, comme des colombes blanches posées sur les branches. Parfois, une petite touche rosée à la base de la corolle ajoute à l’élégance.
Denudata est parfois victime de sa précocité; l’explosion des fleurs, tant attendue après l’hiver, peut être ruinée par un gel nocturne. Au lieu des colombes blanches on se retrouve alors avec des torchons bruns…
Le second parent est Magnolia liliiflora, le magnolia à fleur de lis, également originaire de Chine. Il s’agit d’un grand arbuste atteignant 4 mètres en tous sens qui pousse assez lentement et convient donc mieux à de petits espaces. On le reconnaît à ses boutons floraux longs et étroits qui déploient ensuite 12 tépales fins et assez désordonnés. Les fleurs violet foncé apparaissent relativement tard et il peut même y avoir quelques fleurs sporadiques après les feuilles. C’est généralement la variété ‘Nigra’, très sombre, qui est proposée.
Une autre hybridation destinée à connaître un grand succès fut réalisée par le botaniste allemand Max Löbner au début du 20ème siècle. Magnolia x loebneri provient du croisement de Magnolia stellata et de Magnolia kobus, originaires du Japon et proches parents. Le résultat sont de petits arbres multi troncs qui se couvrent littéralement de fleurs avant l’émergence des feuilles. Ces fleurs comptent de nombreux tépales assez étroits et souples. En fin d’été, des fruits rose vif aux formes étranges captent l’attention. Ils contiennent de grosses semences oranges.
De très beaux cultivars sont de véritables valeurs sûres: ‘Merrill’ (blanc), ‘Spring Show’ (crème), ‘Leonard Messel’ (rose) et d’autres encore.
Le magnolia étoilé, Magnolia stellata, est très répandu du fait de sa petite taille. Il a le mérité de fleurir dès son plus jeune âge (ce qui n’est pas le cas des grands magnolias), et ce dès les premiers beaux jours. Il pousse lentement, atteignant 3 mètres en 15 ans, mais s’étend en largeur. On le voit hélas parfois taillé en boule…Sur son île japonaise d’origine, ce grand arbuste pousse le long de rivières et dans les zones humides.
Les fleurs en étoile comptent un nombre irrégulier de tépales en fines lanières, blancs chez l’espèce type, roses chez la sélection ‘Rosea’.
Mon favori absolu est Magnolia stellata ‘Chrysanthemumiflora’, le magnolia à fleur de chrysanthème. Ses petites fleurs rose pâle sont d’une grande élégance et l’arbuste est d’un port équilibré: un enchantement à chaque printemps!
Magnolia kobus, le magnolia de Kobé est un proche parent de stellata, raison pour laquelle les deux espèces ont pu être croisées. Ce magnolia est lui aussi japonais. Il pousse lentement mais peut atteindre 15m. La floraison ne se fait pas sur le arbres jeunes. Les fleurs blanches sont très nombreuses, assez petites, avec des tépales ovales.
Ce magnolia peut être cultivé sur un tronc unique et on le voit occasionnellement comme arbre de rue.
La chute des fleurs crée un magnifique tapis au sol et mérite que l’on s’abstienne de tondre quelques jours. En revanche, évitez de planter un grand magnolia au dessus d’un lieu de passage, d’un parking ou d’une terrasse; les gros pétales gras sont comme autant de peaux de banane…
Parlant de bananes, beaucoup ignorent l’existence même de magnolias jaunes. Ce sont des créations plus récentes que rêvaient d’obtenir les spécialistes. Ci-dessus on voit ‘Yellow Fever’ et ‘Yellow Lantern’ photographiés à l’Arboretum de Wespelaar. ‘Elisabeth’ est le premier jaune obtenu et reste un arbre de choix. Depuis, il y en a des douzaines dont ‘Daphné’, une création de Philippe de Spoelberch, ‘Butterflies’, ‘Yellow Bird’ etc.
En bonne belge, j’ai choisi pour mon jardin une autre obtention de Philippe de Spoelberch, le bien nommé ‘Petit Chicon’, notre légume national que les français appellent endive.