Taille tôt, taille tard
Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars est un proverbe qui remonte au moins au 16ème siècle. En français ancien on prononçait mar au lieu de mars, ce qui faisait la rime. Cette sagesse populaire s’appliquait sans doute avant tout à la taille de la vigne, mais le fait est que mars est vraiment le mois du sécateur. Je n’aborderai pas ici la taille des fruitiers, qui est un vaste sujet, ni celle des vivaces, mais me limiterai à la taille des arbustes du jardin.
Le mois de mars est en principe le moment où les gelées de l’hiver sont passées. La terre se réchauffe et tout commence à bourgeonner. Gardez en tête les objectifs de la taille:
provoquer une floraison abondante
éliminer les parties mortes, gelées, faibles etc. pour maintenir la bonne santé de sa plante
garder une forme équilibrée, une dimension raisonnable
Pour les rosiers hybrides destinés à produire des roses à couper portées par des tiges droites et vigoureuses, début mars est le moment propice à la taille. Ne soyez pas effrayés par le fait qu’il y ait déjà de jeunes feuilles; on les sacrifie sans regrets.
coupez d’abord tout ce qui est bois mort (il y en a toujours et c’est une source de maladies) le plus près possible de la base. Le rosier présente souvent des yeux dormants sur la souche qui pourront démarrer.
taillez ensuite les rameaux vigoureux juste au-dessus d’un oeil (un bourgeon qui peut-être encore tout à fait fermé), en gardant 2 ou 3 yeux. On conseille de tailler en biais et de choisir un oeil pointant vers l’extérieur.
supprimez les branches qui se croisent (elles s’abîment) ou trop ramifiées (elles resteront faibles).
recoupez jusqu’au bois sain des branches occupées par des ‘bêtes’. Ces branches sont souvent tachées.
Un certain nombre de grands arbustes d’ornement bénéficient d’une taille printanière sévère pour les rendre plus compacts, pour les ramifier, et avoir une belle floraison. Attention toutefois: pas question de tailler les arbustes à floraison précoce comme les Forsythia, les spirées de printemps, les groseilliers à fleurs, les lilas, les viornes, Philadelphus etc. Ceux-ci fleurissent sur le bois formé l’année précédente et se taillent après la floraison.
Ci-dessus, dans l’ordre:
Vitex agnus-castus, le poivrier des moines, se taille en laissant 2/3 bourgeons
le Cotinus, arbre à perruques, bénéficie d’une mise en forme, mais ce n’est pas indispensable
la taille permet au lilas des Indes, Lagerstroemia, de se ramifier, mettant en valeur sa très belle écorce
Duranta erecta, une plante pour le sud, fait de fortes branches arquées quand il est taillé
les Lantana formeront une masse de fleurs bien compacte si on les restreint un peu
les Buddleia deviennent vite villains et désordonnés si on ne les rabat pas sévèrement
Les Hydrangea paniculata font partie de la même catégorie et se taillent vigoureusement en laissant 2 beaux bourgeons opposés. On peut même s’atteler à ce travail dès février. En revanche, ne touchez pas aux Hydrangeas macrophylla (appelés souvent hortensias) avant fin avril. Leurs bourgeons floraux se situent au bout des branches et le moindre gel les détruit.
Pour les petits arbustes, le travail est identique. Pour les Ceanothus caducs, dont la floraison intervient en fin d’été, comme ‘Gloire de Versailles’ sur la première photo, on procède de même. Les céanothes persistants fleurissent par contre en mai-juin et ne nécessitent aucune taille. Hypericum et Perovskia illustrent le principe.
Après en avoir profité tout l’hiver, fin mars sera le moment de recéper les bois colorés comme les cornouillers et les saules. Ici, le très lumineux Cornus ‘Winter Beauty’.
Pour les persistants, le travail aura généralement été fait avant l’hiver. Toutefois, comme nous tentons toujours le diable en plantant des espèces qui sont en dehors de leur zone de rusticité naturelle, nous risquons de constater des dégâts de gel si l’hiver a été rude. Une taille de toutes ces extrémité brunies permet aux bourgeons sains de se développer.
Je procède de la même façon, et sans états d’âme, pour toutes les sauges, qu’elles soient à grandes ou à petites feuilles. Je prends des boutures des espèces qui me plaisent le plus, pour les multiplier ou les offrir, ou simplement ne pas risquer de les perdre.
Seuls les romarins à la floraison hivernale, seront épargnés.
La santoline est encore une de ces plantes qui bénéficient d’une coupe de cheveux drastique pour maintenir leur jeunesse. Il faut se résoudre au fait que pendant un mois certains aspects du jardin auront l’air misérables. Après nettoyage, toutes les tailles broyées peuvent être répandues autour des plantes, maintenant la propreté et l’humidité. Des bulbes et de petites vivaces printanières plantées sous ses arbustes seront mis en valeur au moment de la taille et maintiennent l’intérêt.
Heureusement, le soleil revient toujours, et vous ne regretterez pas de vous être montrés un peu masochistes … en mars.