La pulmonaire, une signature divine

Pour les Anciens, le monde céleste avait des correspondances ici-bas. La théorie platonicienne estimait l’homme capable de distinguer sur terre les signes d’une réalité supérieure. C’est à partir de ce principe que s’est développée, au Moyen Âge, la célèbre doctrine des signatures. Dieu parle à l’homme au moyen de signes imprimés sur toute sa création; à l’homme de les décrypter.

Cette théorie fut largement développée par le médecin-alchimiste suisse Aureolus Philippus Theophrastus Bombast von Hohenheim, dit Paracelse (1493-1541). Il enseigna que la correspondance invisible des archétypes était imprimée sur la corporalité physique des choses. La tâche de l’homme consistait à déchiffrer ces analogies dans les animaux, les végétaux et les minéraux. Ainsi, l’apparence et le comportement d’une plante pouvait fournir des indices quant à son potentiel pharmacologique. On pouvait donc se livrer à un jeu de piste médico-théologique: un cerneau de noix ressemble à un cerveau? C’est donc bon pour les affections de cet organe!

(illustration extraite de mon livre Le Latin de mon jardin, Larousse)

La théorie soutenait aussi que le lieu où poussait la plante pouvait donner des indications sur son usage. Cela fait réfléchir; le saule qui se plaît dans les zones humides et marécageuses où règnent les fièvres, contient l’acide salicylique, principe actif de l’aspirine, un antipyrétique. Aujourd’hui on s’intéresse beaucoup aux plantes bio-indicatrices qui remédient aux carences des sols. Tout est question d’observation.

La pulmonaire, Pulmonaria officinalis, illustre à merveille la doctrine des signatures. Ses feuilles ovales, grisâtres et tachetées, ressemblent effectivement à des poumons malades et lui valurent son nom et son utilisation dans les affections pulmonaires, principalement la tuberculose. Si cette associations d’idées peut paraître fantaisiste, le fait est que la pulmonaire reste utilisée en phytothérapie. On y vante ses qualités expectorantes qui facilitent l’évacuation des sécrétions des voies respiratoires. L’herbe aux poumons, comme on l’appelle parfois, contient du mucilage et peut se consommer en tisane pour apaiser la toux et la bronchite. De plus, la feuille aide à la cicatrisation.

Pour le jardinier, la pulmonaire est intéressante de deux points de vue: le feuillage et la fleur. La feuille est remarquable par ses taches qui peuvent varier d’une plante à l’autre. Certaines belles sélections ont des feuilles tout à fait argentées, très lumineuses. D’autres ont des feuilles plus étroites.

Cette petite vivace très rustique se plaît dans les sols frais et humides, à l’ombre ou à mi-ombre. Une fois établie, elle se ressème volontiers et convient donc très bien comme couvre-sol dans une partie plus forestière du jardin. Les plantes peuvent aussi se diviser facilement. Le feuillage se développe pleinement après la floraison printanière et se maintient très bien à l’arrière saison et même l’hiver.

Les Pulmonaria sont des boraginacées et appartiennent donc à la même famille que la bourrache, la consoude ou le myosotis. Elles en ont en commun la pilosité des feuilles et des fleurs à cinq lobes.

Les fleurs de pulmonaire s’ouvrent très tôt au printemps, souvent dès février. N’étant pas fragiles, elles peuvent durer jusqu’en avril. La forme officinale typique est souvent bicolore rose et bleu, ce qui est d’un effet charmant. Il existe quelques cultivars améliorés comme ‘Sissinghurst White’ à fleurs blanches bleu, ‘Blue Ensign’ et ‘Bamberg’ bleu roi ou ‘Raspberry Splash’ de couleur framboise. Une sélection bicolore corail/rose porte le nom cocasse de ‘Shrimps on the Barbie’!

Un des grands mérites de la pulmonaire est d’être particulièrement mellifère et de fleurir très tôt. C’est une joie que de voir les premiers gros bourdons velus s’y précipiter.

Voici une plante sans doute peu spectaculaire mais rustique et sans chichis. Son côté naturel, ses atouts pour la biodiversité et son air un peu sauvage correspondent exactement à ce que l’on recherche dans un jardin aujourd’hui.

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