Un peu de discipline pour la glycine

Sous une apparence féminine et fragile la glycine cache sa nature de sombre brute, se comportant volontiers en boa constrictor. Elle est capable en peu d’années de tordre une grille en fer forgé, de soulever un toit ou d’étrangler et de renverser un grand arbre. Si on veut introduire cette liane vigoureuse au jardin, il sera indispensable de la contrôler et donc de la tailler en conséquence. Cette opération se pratique en hiver, jusqu’à fin mars.

Allons donc à la rencontre du spécialiste belge des glycines, Marc Libert, collaborateur du jardin botanique de Gand. Marc se passionne depuis des années pour le genre Wisteria et a développé une collection très étendue d’espèces et de variétés, venues de différents horizons et complétée par ses propres sélections.

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Ne sachant plus où planter ses très nombreuses plantes qui exigent de l’espace pour se développer, il eut la chance de rencontrer Philippine d’Ursel, qui lui proposa de les installer dans un espace inutilisé du parc du château familial de Beerlegem. C’est ainsi qu’il y a 11 ans naquit le premier wisterium de Belgique, une collection qui compte aujourd’hui plus de 100 spécimens. Outre, l’intérêt botanique, on peut y comparer toutes les différentes manières de présenter les glycines sous leur meilleur jour.

La première chose à faire est de décider de l’emplacement de la grimpante que vous venez d’acheter. Marc Libert montre ici comment démarrer une jeune plante contre un mur.

L’important est d’avoir une idée bien claire de la forme future de la plante pour commencer à élaborer une charpente avec les premiers rameaux. Tout ce qui est inutile est impitoyablement supprimé. Enlevez dès le départ les tuteurs en bambou qui inciteraient la plante à partir en vrille et bien sûr tous les affreux petits liens en plastique qui ne feraient que étrangler les rameaux.

Pour la plantation il n’y a pas d’exigences particulières. Un bon trou et une bonne terre suffisent. Un mulch au pied de la plante est toujours indiqué. Les Wisteria sont résistantes à la sécheresse car dans leur habitat naturel ces lianes doivent partager l’eau avec des arbres. Il faut cependant les arroser au cours des deux premiers étés en cas de sécheresse, le temps qu’elles s’enracinent profondément. Ce sera d’autant plus nécessaire que vous les planterez sans doute au printemps. Marc conseille en effet vivement d’acheter votre glycine en fleur. Tout d’abord, vous aurez la certitude qu’elle fleurit déjà (certaines plantes peuvent attendre 15 ans avant de vous régaler de leur première grappe) et de plus vous serez certains de la variété (il y a beaucoup de confusions possibles).

Un des emplacements les plus courants pour une glycine, c’est un grand mur. Elle peut couvrir des surfaces considérables en peu d’années. On peut la conduire comme on palisserait un poirier. Ici aussi, l’important est de constituer une charpente bien aérée, sans que les branches s’entortillent, laissant largement la place aux fleurs. Pour les attacher, Marc Libert recommande de placer peu de fils, 3 rangées horizontales suffisent, mais des fils solides et bien ancrés. Des treillis et grillages ne sont pas indiqués car la plante ne fera que s’y enfiler et vous aurez tout le mal du monde à tout détricoter.

Voici des exemples de glycines anciennes plantées contre un mur au Royal Golf Club de Belgique. Après une quinzaine d’années des troncs impressionnants peuvent se former et ne nécessitent quasiment plus de support.

Selon Philippine, la plantation contre un mur, même si elle peut être spectaculaire, n’est pas la manière idéale de profiter des floraisons. A cause de la chaleur du mur, la floraison explosera d’un seul coup et, déjà éphémère, elle sera de très courte durée. En revanche, les formes plantées en plein vent commencent à fleurir du côté sud, puis terminent au nord, prolongeant la floraison de quinze jours dans certains cas.

Rien n’est plus romantique et enivrant que de passer sous une voûte de grappes de fleurs de glycine. La pergola est dès lors une des manières favorites de les présenter. Ici deux modèles sont utilisés, une structure en métal en berceau et une structure en bois. Le critère essentiel est la solidité: le poids d’une plante peut devenir considérable. Ne plantez surtout pas trop de pieds; deux ou trois peuvent suffire. Il peut arriver qu’une plante meure sans crier gare (Marc annonce 2% de pertes en moyenne) et il fait donc du sens de mettre plus qu’un pied. Il faut ensuite bien tenir compte de la longueur des racèmes et construire la pergola en conséquence. Cette structure en bois a été conçue spécialement pour supporter Wisteria floribunda f. multijuga (syn. ‘Macrobotrys’). Cette glycine japonaise se caractérise par des racèmes qui peuvent atteindre 1 mètre de longueur.

Les formes isolées, en colonne,en parasol ou en arbuste sont beaucoup plus faciles à installer dans les petis jardins. Ici aussi l’important est d’avoir une structure solide. Pour le parasol, un gros poteau de bois a été enfoncé dans un tube métallique fiché dans le sol. Ceci permettra de changer facilement le poteau s’il venait à pourrir. Des barres en métal le transpercent en croix pour guider la structure. Il est inutile d’avoir des montages trop délicats et raffinés, qui seront facilement tordus par la plante et qui seront entièrement dissimulés par les fleurs puis le feuillage. Ici on cherche à pratiquer une taille ‘en nuages’ en constituant des amas de fleurs mais en laissant des espaces vides pour apprécier le tronc. Les rameaux de base s’enroulent librement autour du support. Pour les formes plus réduites il convient d’utiliser les sélections de Wisteria brachybotrys ou sinensis, moins vigoureuses que W. floribunda.

Planter sur une balustrade est une des façons les plus charmantes de présenter une glycine. La taille se fait à une hauteur commode ce qui est un grand bonus; nul besoin de s’aventurer sur des échelles. Notez que la magnifique balustrade de Beerlegem est entièrement couverte par un seul plant. Ce résultat magnifique a été obtenu en 13 ans. Sur les bords de l’étang Philippine et Marc ont expérimenté une autre solution très facile, en guidant les plantes le long de simples structures en bois. Les fleurs tomberont bientôt en cascade vers l’eau, bordant l’étang d’une frange bleue.

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La façon la plus naturelle de cultiver une glycine, offrant l’avantage de ne nécessiter aucune taille, est de l’envoyer dans un arbre. Le seul problème est que la convivance se termine parfois par la mort d’un des deux protagonistes. La glycine peut aisément étrangler son hôte ou le renverser par son poids. A l’inverse l’arbre peut affamer la liane. Il convient donc de choisir un arbre vigoureux. La glycine se plante idéalement à un mètre au moins du pied. Ici, une corde a été jetée au dessus d’une branche pour permettre à la glycine de monter sans s’enrouler autour du tronc. Chez moi, j’ai envoyé une W. floribunda ‘Alba’ à l’assaut un vieil if (une idée glanée aux jardins de Bagatelle à Paris). Elle s’est frayé un chemin à travers les branches pendant des années sans résultat visible. Tout à coup, miracle, elle a émergé tout au dessus de l’arbre et s’est mise à fleurir. Bientôt ses fleurs blanches cascaderont sur le fond vert sombre et je pense que ce sera du plus bel effet.

Revenons maintenant à la technique de taille d’une plante établie avec une démonstration de Marc Libert. La première opération est de tailler tous les rejets qui partent sous le point de greffe. Ensuite, on rabat impitoyablement tout le jeune bois vigoureux qui n’est plus nécessaire pour la charpente. Pendant les premières années il faudra tailler très sévèrement. Une fois la structure bien établie la taille devient plus aisée. A la base du racème de l’an dernier, on voit trois ou quatre bourgeons; chacun de ceux-ci devrait former une grappe de fleurs et il faut donc les laisser. Selon Marc, on peut parfaitement laisser les gousses de graines. Elles éclateront et tomberont seules. La taille peut être initiée dès décembre en dehors des périodes de gel. Toutefois, pour les débutants, mieux vaut attendre mars, au moment où les boutons de fleurs deviennent bien visibles.

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Le tuyau pratique, pour terminer; j’ai été impressionnée par l’échelle de Marc Libert, un modèle japonais tripode. Quand on sait que ces derniers sont les rois de la taille, on comprend qu’ils aient inventé l’outil idéal. Ce trépied en aluminium est léger et se porte d’une seule main. Il offre une stabilité et une sécurité nettement supérieure à la double échelle. De plus, le pied avant peut se régler en hauteur, permettant le travail sur terrain pentu. Il peut aussi se placer au coeur du buisson sans l’abîmer. A mon avis, l’essayer, c’est l’adopter.

https://tripodladders.be/

Nous voici au bout d’un article fort long sur la taille des glycines, et je vous aurai frustrés en ne vous montrant pas la moindre fleur! Je promets d’y revenir un jour.

En attendant, je recommande vivement la visite du wisterium. Hubert et Philippine d’Ursel ouvrent généreusement le parc du château de Beerlegem au moment de la floraison, dans le cadre de l’asbl Jardins Ouverts de Belgique (jardinsouverts.be).

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