Une bactérie plus puissante que les oliviers centenaires
Depuis quelques années, Xylella fastidiosa sème la désolation dans le sud de l’Italie, dévastant le paysage et l’économie locale. Une préfiguration de ce qui allait nous arriver avec un certain virus…
La bactérie mortelle serait arrivée dans une pépinière de plantes ornementales proche de Gallipoli, voyageant sur des plants de café originaires du Costa Rica. Il existe effectivement diverses souches de Xylella en Amérique du Sud et du Nord. Une d’elle a failli mettre fin à la culture de la vigne en Californie à la fin du XIXème siècle et aujourd’hui de nombreuses espèces d’arbres sont touchés, notamment à Los Angeles.
Comment opère cette bactérie tueuse? Elle dépend d’un vecteur, un insecte piqueur-suceur, qui l’introduit dans le xylème de l’arbre (du grec xylon, le bois, d’où le nom de la bactérie) où s’effectue le transport de la sève. Les bactéries s’y reproduisent et bouchent bientôt les vaisseaux, empêchant la circulation de la sève. Le résultat est que les feuilles, puis les rameaux se dessèchent, entraînant en peu de temps la mort de l’arbre entier. On appelle d’ailleurs la maladie le “complexe de dessèchement rapide de l’olivier”.
Une des solutions qui fait l’objet d’expérimentations et a donné quelques espoirs de sauver les arbres monumentaux a été de pratiquer des greffes en écusson d’une variété résistante sur les vieux troncs. Le but était d’essayer de sauver les plus beaux spécimens pluricentenaires. Dans un champ d’essai que j’ai visité, deux ans après les greffes le taux de réussite me paraissait très faible. Le processus est long est onéreux et rien ne dit qu’une petite pousse greffée parviendra à redonner vie à tout un arbre.
Entretemps, le paysage où régnait la monoculture de l’olivier, est devenu spectral…
Suivant de très près l’évolution de cette crise que le Commissaire européen en charge de la santé et la sécurité alimentaire a décrit comme “la plus grave crise phytosanitaire menaçant l’UE depuis des années”, je me suis parfois dit que si une bactérie s’attaquait à nous, êtres humains, on n’en mènerait probablement pas plus large. Je n’imaginais pas que dès 2020 ce cauchemar deviendrait réalité.
Aujourd’hui je ne puis m’empêcher, à titre strictement personnel, d’établir des comparaisons entre la crise provoquée par la bactérie Xylella et la crise du virus Covid-19.
La bactérie, comme le virus, ont été importés de l’étranger, conséquence inéluctable de la mondialisation.
Dans des délais relativement brefs, les pathogènes ont été correctement identifiés par les laboratoires scientifiques et déclarés extrêmement contagieux.
Aucun remède n’étant disponible, il fut rapidement établi que la seule défense possible serait de confiner radicalement l’expansion de la maladie.
Ce remède étant si radical, il fut immédiatement contesté comme dommageable et inutile.
L’information provenant de sources très diverses semait la confusion et personne ne savait plus à quel saint se vouer.
Il se trouva de nombreux spécialistes autoproclamés et très présents sur la scène médiatique pour proposer des cures alternatives qui ne firent que créer de faux espoirs et firent perdre du temps précieux.
Des théories complotistes se mirent à circuler et à être relayés sans relâche sur les réseaux sociaux. En ce qui concerne les oliviers, ce furent d’abord des promoteurs immobiliers qui voulaient obtenir des terrains, puis les producteurs du nord qui voulaient étrangler le sud…
Les innombrables niveaux de décision, communs à l’Italie et à la Belgique, semèrent la cacophonie dans les directives: communes, province, région, état national, Europe.
Les deux crises ont provoqué des ravages économiques dont on ne voit pas clairement l’issue. Dans un cas comme dans l’autre, les inégalités se sont accrues. Les petits producteurs d’huile se retrouvent incapables de trouver une activité alternative.
Seuls des programmes d’aide massifs du gouvernement pourront permettre de relancer une activité économique.
Enfin, et je terminerai par une note un peu sinistre. La bactérie est devenue endémique dans l’environnement du sud de l’Italie, et le deviendra peut-être à terme dans une grande partie du bassin méditerranéen.
On ne peut qu’espérer qu’il n’en ira pas de même du Covid dans le monde…